Un carnage à Horch-Tabet!
Bloody Wednesday Nearby Home
Septembre 2007
(Source: L'Orient-le-Jour, Beyrouth, 19 septembre 2007)
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Il est 5h30 du matin heure de Beyrouth, le 20 septembre 2007. Hier, dans l'après-midi, vers 17h20, un attentat à la voiture piégée a secoué la région de Horch-Tabet (Sin-el-Fil). Mes parents y habitent. Mon mari Nicolas m'avait déposé chez eux vers 17h. Nous attendions ma soeur Michèle qui retournait de son lieu de travail pour assister au lancement d'une exposition de peintres-sculpteurs Libanais. Cela faisait si longtemps que nous n'étions pas sortis pour assister à un événement culturel, vu la situation précaire du pays. Nous nous contentions des urgences, tout en croyant que les deux-trois mois de "répit" sans attentats à la voiture piégée inauguraient une nouvelle ère plus ou moins paisible du côté sécuritaire. Mais nous nous trompions... Car au Liban, lorsqu'il vous semble que c'est calme, la tempête se prépare... C'est toujours le même refrain, mais on dirait que les Libanais ont la mémoire courte, ou alors c'est une question d'instinct de survie: espérer un meilleur lendemain, débarrassé de la violence meurtrière et de la folie des Hommes.
Assis tranquillement devant la télé, mon père, ma mère et moi regardions un film. Soudain, le son et le souffle d'une énorme explosion nous projettent les uns sur les autres, alors que l'immeuble est fortement secoué. Ma mère cria: 'un tremblement de terre'! Mon père et moi rétorquèrent: 'Un missile, des bombardements, ou... un attentat... proche, très proche!'. Et là, les événements s'enchaînèrent comme dans un film hollywoodien... Ma mère hurla: 'Michèle!' et s'effondra en larmes, ne sachant plus que faire, tournant en rond dans la maison, cherchant à appeler ma soeur à son portable (cellulaire), mais les lignes étaient congestionnées.
J'ai pu rejoindre Nicolas, tremblant de peur mais essayant de garder un semblant de sang-froid devant ma mère pour l'encourager. Nous nous sommes dirigés mon père et moi du côté de la terrasse: d'énormes colonnes de fumée noire, les cris de personnes, le feu... à moins de 200 mètres. Je sentais mon coeur chavirer, mais je me ressaisissais, pour mes parents, et pour notre petite fille à Nicolas et moi qui allait bientôt naître. Je tenais mon ventre, inquiète et se voulant rassurante, appelant doucement ma mère au calme. En vain...
Ne tenant plus sur place, mes parents décidèrent de rechercher Michèle. Je devais rester à la maison près du téléphone. Celui-ci sonna: c'était Nicolas. Il avait pu, par miracle, rejoindre Michèle. Celle-ci passait justement près du lieu de l'attentat (à quelques mètres de la route qu'elle emprunte chaque jour), mais elle n'avait pas senti l'explosion vu qu'elle avait les fenêtres de la voiture fermées et de la musique au son élevé! Tout en parlant avec Nicolas qui a essayé de ne pas lui dire ce qui se passe pour qu'elle puisse garder son sang-froid et se diriger immédiatement à la maison, elle aperçut le feu, la fumée, des hommes et des femmes qui accouraient de tous les sens... Heureusement que mes parents l'ont retrouvé près de la maison, saine et sauve. Mais malheureusement, ce ne fut pas le cas de beaucoup d'autres personnes, ayant eu le malheur de passer au mauvais moment et au mauvais endroit... Une question de chance? La loterie de la mort? Nul ne sait... Et dire qu'il a fallu quelques secondes pour ma soeur, et quelques minutes pour nous tous... Nous aurions fait partie du lot des 'martyrs' de la guerre...
L'attentat a certes visé un député chrétien maronite du parti Kataëb (les Phalangistes), Antoine Ghanem, mais celui-ci provoqua un carnage parmi les habitants du quartier et les passants. La charge de 50 kg d’explosifs a été actionnée à distance : "5 tués et 75 blessés outre l’élu Kataëb" (OJ, 20 septembre 2007) - 9 personnes tuées selon les derniers recensements. En une fraction de seconde, le secteur où l’explosion a eu lieu, et qui est une zone mixte commerçante et résidentielle, s’est transformé en champ de ruines. "Au milieu de la chaussée, une vingtaine de voitures ont été endommagées, certaines entièrement calcinées ; l’asphalte est devenu glissant à cause de l’essence se déversant des véhicules touchés. L’explosion a causé des dégâts matériels dans quatre rues adjacentes au lieu de l’attentat. Les vitres des immeubles ont volé en éclats et les cadres des portes et des fenêtres ont été défoncés. Les façades des bâtiments très proches de l’explosion ont été soufflées, laissant entrevoir les salons ou les chambres à coucher des appartements" (OJ, 19 septembre 2007).
Or, tout ce que nous pouvions entendre aux nouvelles - tant des journalistes que des politiciens -, ce sont les condoléances adressées à la famille du député Ghanem... Les 'autres', pauvres infortunés, relevant de la 'masse populaire', n'étaient pas dignes d'êtres cités par leurs noms... Des nombres sur une liste sanglante qui ne fait que s'allonger jour après jour... Des 'dommages collatéraux'... Une grève générale fut décrétée pour deux jours, mais croyez-vous qu'il s'agit d'une réponse à l'horreur ayant frappé les familles de toutes les victimes de l'attentat en question? Nullement, puisqu'il semble que l'hiérarchie socio-économique de rigueur sur terre est reproduite 'au royaume des 'martyrs'. Comment ne pas s'indigner devant tant d'injustices? Comment ne pas lutter pour la paix, mais aussi pour une convivialité inter-humaine, n'excluant aucun être humain, quel que soit son 'statut'?
En attendant les fameuses élections présidentielles prévues pour le 25 septembre, nos 'chers leaders' vont sûrement continuer à s'attaquer (verbalement, pour le moment) mutuellement, faisant fi des besoins et des intérêts du peuple. Quant à nous, 'pauvres bougres' faisant partie justement de ce peuple, nous avons intérêt à nous réveiller de notre torpeur et de transformer notre souffrance en une renaissance, une révolution.
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Bloody Wednesday Nearby Home: Looking Upon Life as a “Loterije”
By Michele Chrabieh in Beirut
Thursday September 20, 2007
Hundred meters away from home, in one of the busiest roads in the Christian neighborhood of Horch-Tabet, a car bomb killed another pro-government MP from the Christian Phalange Party, Antoine Ghanem, and at least 9 other innocent souls.
I was coming back from work as most Lebanese do every afternoon around five and I was at the Hayek roundabout nearby the blast and home. I heard nothing, maybe because of the proximity of the explosion or because of the loud music in my car, but one phone call from my brother in law made me realize why people were moving with haste. I saw shattered glass, smoke and a neighbor running towards the blast shouting: “So many people are being extracted from their cars, burnt alive”.
My parents were coming out of our elevator; it turned out to look for me fearing the unspeakable. My mother cried her eyes out when she saw me…
For a couple of hours people were trying to trace family members and friends who could have been there. Mobile phones were dead as everyone else’s mind and soul.
Almost three months after the last assassination of another MP, we turned to our television sets listening to the breaking news. It appears as if all the dead innocent civilians were meaningless “collateral damage”; an unforeseen death and a price to pay for the survival of our nation long after it has lost its “original meaning” or usefulness. A natural process resulting in our evolution best adapted to a hostile yet familiar environment.
Today is declared an official day of mourning and we hang around waiting for the next loterije.
By Michele Chrabieh in Beirut
Thursday September 20, 2007
Hundred meters away from home, in one of the busiest roads in the Christian neighborhood of Horch-Tabet, a car bomb killed another pro-government MP from the Christian Phalange Party, Antoine Ghanem, and at least 9 other innocent souls.
I was coming back from work as most Lebanese do every afternoon around five and I was at the Hayek roundabout nearby the blast and home. I heard nothing, maybe because of the proximity of the explosion or because of the loud music in my car, but one phone call from my brother in law made me realize why people were moving with haste. I saw shattered glass, smoke and a neighbor running towards the blast shouting: “So many people are being extracted from their cars, burnt alive”.
My parents were coming out of our elevator; it turned out to look for me fearing the unspeakable. My mother cried her eyes out when she saw me…
For a couple of hours people were trying to trace family members and friends who could have been there. Mobile phones were dead as everyone else’s mind and soul.
Almost three months after the last assassination of another MP, we turned to our television sets listening to the breaking news. It appears as if all the dead innocent civilians were meaningless “collateral damage”; an unforeseen death and a price to pay for the survival of our nation long after it has lost its “original meaning” or usefulness. A natural process resulting in our evolution best adapted to a hostile yet familiar environment.
Today is declared an official day of mourning and we hang around waiting for the next loterije.