(photo archives Fady Noun)
De Philippe Martin: 'Voici la onzième édition des portraits de blogueurs, avec Pamela Chrabieh Badine. Ceci est la version intégrale'.
On peut aussi trouver l'entrevue sur Dailymotion et Cent Papiers.
Merci Philippe! Merci aussi à Christian Aubry!
Je débute aujourd'hui ma page de la semaine par un texte de ma soeur Michèle que je trouve absolument poignant puisqu'il témoigne d'une réalité vécue engendrée par la guerre et dont on ne parle pas souvent: l'émigration des jeunes du Liban vers d'autres contrées ou ce qu'on qualifie habituellement d'émigration des "cerveaux".
“We are the only ones left”. This is the sentence a friend of mine kept on repeating upon her arrival from Switzerland. Her choice of returning home is, as she claimed, “a political statement”; a kind of resistance facing the great number of young Lebanese who fled our motherland during or following the July-August crisis, maybe never to return. While sipping and enjoying every drop of a fresh “Almaza” beer, she stared at her childhood friend who will soon travel to Geneva, apparently for a few months, to write his thesis. Her very grave expression was later accompanied with the following statement: “We need to make new friends”. Again, I knew this was more than true as I have been struggling for the past month to establish contact with old school or university friends and revive my dead social life. I guess Lebanese will no longer reject any invitation until they become once more overloaded with the social gatherings and festivities they were used to having. Not that the latter have declined in number, but surely it is not easy to “lose” friends and get used to new ones and different places, no matter how futile you might think it is. Actually, this appears to be quite a disrupting phenomenon especially when we all thought we reached some level of security and stability. We are now passing our twenties yet unable to experience our lives with the people we most cherish because of war and its dreadful ramifications.
Une hémorragie frappe le Liban depuis des décennies, mais elle s'intensifie de plus en plus avec la facilité des transports et leur accessibilité, ainsi qu'avec la porte 'ouverte' de certains pays d'accueil. Très peu de jeunes retournent au Liban après un séjour ailleurs, surtout suite aux récents combats de l'été 2006. Lors d'une rencontre avec un groupe de 20-40 ans lundi soir autour du thème de la guerre et de ses impacts aux niveaux individuel et collectif, deux personnes affichaient un optimisme serein mais réaliste - une d'entre elles était prête à retourner immédiatement au Liban, tout en s'apprêtant à affronter les divers obstacles auxquels elle pourrait se heurter - et les six autres étaient pessimistes, n'envisageant en aucun cas un retour au bercail, du moins à court ou moyen termes.
Dans un article intitulé "Y aura t-il une quatrième vague d'émigration libanaise massive vers le Canada?" (par Rania Massoud, publié avant les combats de l'été 2006 dans L'Orient-le-Jour, Beyrouth, Liban; et que l'on retrouve dans les Archives de Liban Vision), on y affirme clairement que le Liban est depuis quelques années le théatre d'une relance de l'émigration, surtout en direction du Canada et des États-Unis. "Force est de constater sur ce plan que la crise économique pousse plusieurs jeunes à quitter de nouveau le pays, à la recherche d’un meilleur niveau de vie, et la plupart d’entre eux décident de rester dans les pays d’émigration et ne rentrent au Liban que pour quelques semaines de vacances". Les autorités religieuses Libanaises auraient exercé et exerceraient encore des pressions pour ne pas ouvrir les portes à de nouvelles vagues d'émigration car celles-ci auraient des conséquences négatives sur la démographie et la situation sociale du Liban. "Il reste que le principal et, peut-être, le seul facteur qui serait susceptible d’endiguer une éventuelle nouvelle vague d’émigration est incontestablement la relance économique, accompagnée d’une stabilité et d’un équilibre politiques internes".
Durant les combats de l'été 2006, selon certaines statistiques, plus de 240.000 chrétiens auraient quitté le pays, et la majorité d'entre eux ne veulent pas revenir. Le cas serait similaire pour des Libanais issus des diverses communautés musulmanes. Toutefois, la sonnerie d'alarme est surtout tirée par les autorités religieuses chrétiennes. Dans un message publié le 6 septembre 2006 à l'issue de leur rencontre mensuelle sous la présidence du cardinal Nasrallah Sfeir, patriarche des maronites, les évêques libanais invitent les chrétiens à revenir au pays, malgré la crise économique. Faut-il en tenir compte? Cette invitation ou ce message appelant au 'retour' risque de na pas être entendu alors que le fracas des bombardements est encore dans toutes les oreilles et que les licenciements sont de plus en plus nombreux dans un pays qui ne connaît pas l’assurance-chômage.
Comment concilier une situation certes alarmante - l'émigration met en péril les fragiles équilibres démographiques et religieux du Liban, accentue ses handicaps et prend une tournure de cercle vicieux - et la richesse émanant des contributions plurielles des émigrés Libanais-es dans les secteurs économiques, politiques et culturels du pays? Comment concilier l'hémorragie d'un côté - ou les dynamiques de 'fuite de l'interne vers l'externe' - , avec la transnationalité et les apports 'de l'externe vers l'interne' d'un autre côté? Que répondre - et comment - à la souffrance engendrée par la séparation des familles et la 'pénurie' de jeunes professionnels Libanais-es? L'émigration - quelles qu'en soient ses causes - relève-t-elle d'al-qadr ou du destin des Libanais-es? Fait-elle partie de leur 'nature' ou de leur 'code génétique' formé de 'gènes phéniciens' - entre autres gènes -, ancêtres voyageurs, migrateurs et nomades de la Méditerranée des temps anciens? Constitue-t-elle une 'constante' de l'histoire du Liban? Si oui, est-ce une 'constante' positive ou négative? Ou les deux à la fois?
Pour ma part, je retourne au Liban, pour la nième fois... Nous y retournons mon mari Nicolas et moi, bientôt... En tous cas, nous vivons constamment entre les deux rives beyrouthine et montréalaise depuis près de sept années... Nous vivons continuellement des 'hémorragies' - plutôt, y survivons - et des 'transfusions', des allers et des retours, des dynamiques 'interne-externe' qui s'entrecroisent, se marient, s'affrontent, s'interpénètrent...
Expériences parfois pénibles, d'autres bénéfiques...
Nomades des temps modernes - ou post-modernes!
Des êtres humains - ou des 'êtres vivants', selon une expression de mon amie Nada Raphaël qu'elle a employée lors d'un voyage en Égypte en contemplant la splendeur des pyramides et l'immensité du désert - en cheminement... Des êtres humains dont les racines, les troncs, les branches et les fruits sont en mouvement...
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Dans la presse
Feuille de route
Au nom du pluralisme...
L'article de Michel HAJJI GEORGIOU
(L'Orient-le-Jour, 11 octobre 2006)
« Dieu ! que de processions, de monomes, de groupes,
Que de rassemblements, de cortèges divers, -
Que de ligu’s, que de cliqu’s, que de meut’s, que de troupes !
Pour un tel inventaire il faudrait un Prévert.(...)
Oui, la cause était noble, était bonne, était belle !
Nous étions amoureux, nous l’avons épousée.
Nous souhaitions être heureux tous ensemble avec elle,
Nous étions trop nombreux, nous l’avons défrisée.
Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
Est plus de quatre, on est une bande de c...
Bande à part, sacrebleu !
C’est ma règle et j’y tiens.
Parmi les cris des loups, on n’entend pas le mien. »
Georges Brassens, Le Pluriel, 1966.
Beaucoup de bruit pour rien. Dans cette mêlée générale, où chacun souhaite montrer, certes dans son bon droit, que l’espace public de la rue lui appartient, il faudra un beau jour marquer une pause contemplative et se demander où tout cela compte bien nous mener. Car, par-delà les moyens et l’expression, les manifestations et les rassemblements, il y a bien peu de culture démocratique dans tout ce qui se fait actuellement. Nous sommes visiblement autant en manque de culture démocratique qu’en manque cruel d’inspiration. La rue appartient bien à tout le monde, mais on pourrait aussi en faire un meilleur usage que de se l’approprier pour des intérêts purement liés à des querelles de pouvoir et de représentation, comme le font, sans exception, l’ensemble des courants politiques qui donnent actuellement de la voix, quel que soit le camp politique auquel ils appartiennent. Dans ce mouvement d’ensemble, fait beaucoup plus de dissonance et de statisme que de dynamisme et de vitalité, il y a une impression très dérangeante de stérilité, d’inutilité. D’ailleurs, d’aucuns parmi les mouvements qui ont récemment accaparé l’espace public ou qui se promettent de le faire dans les prochains jours savent – qu’ils se souviennent des glorieux temps de la résistance aux moukhabarate syriens – que la rue peut servir de bien plus nobles idéaux que des querelles de pouvoir. Non pas que la lutte pour le pouvoir ne soit pas noble en soi. À l’intérieur d’un certain réseau de politiques, c’est même sur cela que devrait en principe reposer le système démocratique. Sauf qu’il est quand même légitime de se poser la question : pourquoi fait-on passer la charrue devant les bœufs, pourquoi veut-on faire dans la dentelle sur le plan de la lutte démocratique alors même que l’arène, le cadre, la structure au sein de laquelle ce combat doit être mené sont encore branlants, totalement incertains, en dépit des efforts des uns et des promesses des autres. Si elles comportent certainement des aspects positifs, ces abrutissantes processions de masse, chez les uns et les autres, ne contribuent cependant qu’à accroître inutilement la tension politicienne et confessionnelle sous des dehors illusoires de vitalité politique. En réalité, sous des apparences de pluralisme, c’est à la négation même du pluralisme que l’on a affaire. Tout le monde, dans les sphères politiques, parle ainsi de démocratie consensuelle, mais personne n’en définit le sens réel, l’essence. Et c’est en définitive du sens du Liban qu’il est question dans cette agitation générale. On évoque de part et d’autre le consensus et l’entente, mais, tout au contraire, on donne dans l’étalage de la musculature. On veut montrer qu’on est incontestablement le plus fort au sein de sa communauté, qu’on peut abstraire tous les autres, les phagocyter, les réduire, qu’on a l’apanage, l’exclusivité absolue de la représentation. De bonne guerre ? Certes. Mais qu’on arrête de le faire au nom de la démocratie consensuelle, de la formule libanaise, du pluralisme. Ce dualisme au niveau du discours politique, qui est commun à une bonne partie de la classe politique libanaise, frise la pathologie. Il est révélateur d’une certaine démence. La tendance ne saurait être à l’annihilation du pluralisme pour être fort, mais à accepter les règles de la démocratie et de la diversité pour jeter les bases d’un système politique relativement cohérent, moins ambivalent. Or, ce n’est pas cette tendance que les électeurs et les élus ont choisie depuis les funestes législatives de 2005. Au contraire, et le mode de comportement politique, que ce soit au niveau du discours, du contenu ou de l’action de certains partis, ne trompe pas : nous assistons à un retour à grands pas vers le totalitarisme, vers une expression fasciste que nous croyions à jamais révolue avec le départ du régime syrien. Oh que non ! Ce que Damas a savamment distillé comme venin totalitaire durant trente ans dans l’esprit de nos « élites » politiques se manifeste avec encore plus de force maintenant que ces dernières ont toute la latitude pour laisser libre cours à leurs errances. Mais assez de logorrhées. Allons plutôt à l’essentiel. En dehors de l’État, seul cadre où puissent s’exprimer sainement, se retrouver pluralisme, diversité et lutte pour le pouvoir, point de salut. Tout ce qui empêche le processus de la fondation de l’État d’évoluer au Liban contribue à donner de l’ampleur et de la puissance aux forces de régression, et elles sont nombreuses. Il reste un problème, et de taille : pour construire l’État, il faut des hommes providentiels, conscients de la tâche immense qu’ils devraient accomplir, capables de rompre avec l’archaïsme, et de transcender ce rapport entre le féodal et sa clientèle qui se substitue, depuis longtemps, aux structures étatiques dans ce pays et empêche, dès lors, l’avènement de l’État.
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INITIATIVE - « Namleh at3a », une idée qui fait son chemin
Béatrice Harb et Nina Najjar, pas de répit pour les fourmis
(Colette Khalaf, dans L'Orient-le-Jour, 11 octobre 2006)
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Née au lendemain de la guerre, «Namlé at3a» est l’addition d’efforts soutenus de deux jeunes filles. Désireuses d’agir en cette période de crise grave qu’a traversée le pays, Béatrice Harb et Nina Najjar ont créé cette association qui fait aujourd’hui boule de neige.Alors que certains subissaient la guerre et d’autres s’essayaient à des travaux de bénévolat, Béatrice Harb et Nina Najjar ont tenu à prendre action au cours des événements vécus récemment par le Liban et à s’exprimer à leur manière. C’est donc caméra au poing, moyen qu’elles connaissent bien, puisqu’elles ont toutes deux fait des études d’audiovisuel, qu’elles vont regrouper un nombre d’adhérents à leur projet. «Namlé at3a» évoque la fourmi travailleuse, les demeures reconstruites, mais également le boycottage de la guerre et de la violence (du verbe en arabe kata’a). «Nous avons joint nos efforts le 10 août pour créer cette association qu’on a surnommée “Namléh at3a” et lancer un projet baptisé “Shoot the War”, disent-elles. Un appel à tous les jeunes souhaitant accomplir leur première œuvre cinématographique et qui a été largement suivi par tous ceux qui voulaient s’impliquer dans la guerre d’une façon artistique.»«C’est avec les moyens de bord (affiches et brochures que nous avons nous-mêmes conçues et placardées dans toute la ville) que nous avons pu mettre sur pied ce projet. Nous invitions ces jeunes novices à nous rejoindre à la rue Bliss et nous mettions à leur disposition le matériel voulu (deux caméras empruntées à Jihad Zehri). Il leur était demandé de nous livrer un film allant de trente secondes à dix minutes, narrant un vécu de guerre.» Une opération réussieAucune condition n’était requise. Il fallait cependant ne pas filmer des immeubles en ruine ou détruits par la guerre. Les jeunes étaient libres d’utiliser, à leur choix, la technique ou le support voulus. Avec de la musique, de la peinture ou des films animés, les artistes en herbe plus un certain nombre de professionnels, comme le peintre Jean-Pierre Nahas, se sont amusés à traduire artistiquement leurs émotions de l’instant. Quel était l’étonnement de Harb et de Najjar lorsqu’elles se sont retrouvées quelques semaines plus tard avec plus d’une vingtaine de films. «Aucune sélection n’a été opérée. Bien au contraire, nous avons tout pris en vrac et la projection a eu lieu, fin septembre, au théâtre al-Madina», confient-elles.L’affluence, le soir de la projection, a conforté les deux jeunes artistes dans leur jugement et les a encouragées à poursuivre leurs efforts.Des projets, elles en ont plein la tête, et leurs yeux brillent à l’idée de savoir que bientôt leur association sera officialisée. Mais cela ne s’arrête pas là. Le 24 octobre à l’Espace SD, dans le cadre du festival Nafas Beyrouth (qui débute le 12 du mois), et deux jours plus tard à la médiathèque German Dialogue Centre (Tripoli) sont deux dates à retenir. Béatrice Harb et Nina Najjar y projetteront les œuvres cinématographiques qui auront, cette fois-ci, été sélectionnées auparavant. En attendant d’autres objectifs qu’elles se sont déjà fixées.
Pour info, je viens de créer un blog pour apprendre le libanais facilement (j'espère). L'objectif est que ça ne prenne pas à quelqu'un plus de 5 min par jour pour apprendre 5 nouveaux mots.
ReplyDeleteLe site c'est : http://parler-libanais.blogspot.com
Pamela,
ReplyDeleteL'entretien que tu as eu avec Philippe Martin était très bon.Tu exprimes très bien les sentiments que l'on peut resentir en situation de guerre.
Ton message pour une paix réelle et durable est constant et est on ne peut plus à propos.
Je trouve aussi que tu expliques ce dernier épisode de « La Guerre du Liban »...de façon très claire, sans tomber dans le piège du sensationnalisme dont se nourrit si bien la Presse traditionnelle, tant écrite que parlée.
Bravo!
André Tremblay
salut!
ReplyDeleteAu Sénégal le « BANA BANA » c’est le
marchand ambulant, c’est le colporteur, la
petite boutique de la rue. Sadibou, comédien,
chanteur, danseur, conteur perpétue le tradition du
griot africain et nous donne avec une idée très
originale, des animations, des spectacles plein de
poésie, d’humour et de rythme En animation
déambulatoire, seul en scène ou accompagné
d’autres comédiens, sa boutique est ouverte à
tous. « Approchez, approchez, c’est Sadibou !
Approchez, approchez, j’ai des histoires pour
vous ! » servirlenfance@yahoo.fr
sandarebi@hotmail.com
http:/site.voila.fr/sadibou
www.myspace.com/sadibou
tel 00 221 77 447 70 46