Traumatismes de guerre
Toute guerre constitue un génocide, et tout être humain ayant péri de la folie meurtrière vaut la peine d’être remémoré, pour que justement cesse cette folie. Malheureusement, depuis la deuxième guerre mondiale, les recherches sur les traumatismes de guerre et la mémoire de la guerre traitent principalement de la situation des militaires. Rares sont les recherches qui se penchent sur les traumatismes vécus par les populations et qui se concentrent sur le personnel, le psychosocial, l’humain. Or, la mise en œuvre d’un processus thérapeutique, tant au niveau individuel que collectif et national, est indispensable en vue de la construction de la paix. Il est bien évident que l’irréparable ne se répare pas et que le traumatisme ne s’efface pas. Toutefois, il s’agit de permettre de vivre avec le traumatisme, de se libérer du passé tout en s’attachant à construire et reconstruire des liens familiaux et sociaux protecteurs. Or, comment se libérer du passé si l’omerta est de rigueur?
La loi du silence ou la Tabula rasa
Au Liban par exemple, il est habituellement demandé tant aux enfants qu’aux adultes de taire les blessures, de se murer dans un mutisme approbateur de la fatalité du destin, privilégiant la survie sociale et politique à la survie psychique et humaine. Cette omerta ou loi du silence est renforcée au niveau national par l’auto-amnistie des leaders de la guerre en 1991- loi no.84 du 26 août 1991. « L'amnistie et l'amnésie sélective ont paralysé l'histoire de ce pays. Les seigneurs de la guerre sont devenus députés, ministres, pôles politiques respectable ». Or, suffit-il de d’affirmer que le passé n’existe plus en droit pour qu’il cesse d’exister dans la réalité et les consciences, pour que victimes et bourreaux se valent ?
Mémoire de guerre et justice réparatrice
La construction d’une mémoire individuelle et collective de la guerre accompagne nécessairement l’implantation d’un système judiciaire qui n’est pas fondamentalement axé sur la sanction mais sur la guérison des blessures. Telle est la différence entre la justice réparatrice telle qu’appliquée par exemple en Afrique du Sud et la justice punitive clamée haut et fort par des leaders Libanais depuis l’assassinat de l’ex-premier ministre Rafic Hariri en février 2005. Une commission Vérité et Réconciliation pourrait être pensée et implantée à long terme tant au Liban qu’en Irak et adaptée à leurs contextes respectifs. Au Liban par exemple, elle pourrait se baser sur les valeurs du dialogue interreligieux longtemps pensé et pratiqué, tant dans le quotidien du peuple Libanais qu’en milieux académiques et institutionnels.
En ce sens, la culture de la vendetta serait remplacée par un processus réparateur impliquant toutes les parties, constituant une manière puissante d’aborder non seulement les préjudices matériels et physiques causés par les crimes, mais aussi les préjudices sociaux, psychologiques et relationnels. Cette démarche est centrée sur la victime, et la communauté et le dialogue en sont les éléments centraux. Le but n’est pas la vengeance, mais la connaissance de la vérité, l’apaisement social, et la restauration de la dignité civile et humaine des victimes. La paix en soi et avec les autres est à ce prix.