Saturday, September 13, 2014

Red Lips High Heels: Un espace en ligne dédié aux droits de la femme

By Florence KANAAN 
(WE Initiative - PAMELA CHRABIEH, SUCCESS STORY OF A WOMAN)

Dr. Pamela Chrabieh


Qui dit Red Lips High Heels, dit droits de la femme et dit Pamela Chrabieh. Mais qui est cette femme au regard assuré, vif et tendre, qui lutte et débâtât pour défendre et protéger le droit de l’être humain et de la femme et spécialement au Liban? 
1- Qui est Pamela Chrabieh?
Libanaise et canadienne, épouse et mère, docteure en sciences des religions, professeur d’université, chercheuse, auteure, activiste et artiste, croyant fermement  au génie des êtres humains au-delà des empêchements, doutes et difficultés, au-delà de la culture de la violence
2-  Qu’est-ce que Red Lips High Heels?
Red Lips High Heels est une plateforme en ligne (blog et page Facebook) pour des auteurs-es et activistes luttant pour la paix et les droits humains/droits des femmes, en particulier au Liban, ainsi qu’au Moyen-Orient ou l’Asie du Sud-Ouest. Depuis que je l’ai créée en 2012, elle compte plus de 80 personnes engagées de manière régulière ou sporadique, de diverses appartenances ethniques, nationales, religieuses, confessionnelles, socio-économiques, générationnelles etc., écrivant en Arabe, Français, Anglais et parfois aussi, en Espagnol. La pluralité des approches féministes y est au rendez-vous, ainsi que la pluridisciplinarité académique, la poésie et l’écriture grand public (creative writing). La liberté d’expression, le respect mutuel et le dialogue constituent les règles d’or de la plateforme, et ses objectifs peuvent être résumés en ce qui suit : la contribution à la production d’un savoir contextuel,  pluriel et engagé, et à sa dissémination auprès d’un large public, au-delà des tours d’ivoire académiques ; la conscientisation (awareness) face au clash des ignorances et la contribution au changement des mentalités – beaucoup plus importante, à mon avis, qu’un changement de lois ; la déconstruction de stéréotypes, tabous et idéologies ‘normalisés’ au sein de nos sociétés et la reconstruction progressive de voix alternatives.
3- Pourquoi avoir choisi le nom “Red Lips High Heels” pour le blog?
Red Lips et High Heels ne devraient pas être compris d’une manière littérale mais symbolique : les lèvres rouges (longtemps perçues dans notre région comme appartenant au monde de l’interdit, du tabou) communicatrices de l’acceptation personnelle, de la transformation, du dynamisme et du courage. Des lèvres qui vibrent du passage du silence à la parole créatrice, de la mémoire meurtrie à la mémoire constructrice, de la survie à la vie. Porter des talons hauts (High Heels) d’une manière métaphorique et en maîtriser l’art/la technique réfère à l’autonomie et la capacitation, au-delà des obstacles dont le système patriarcal et la culture de la violence. Il s’agit aussi de rechercher l’équilibre entre l’interne et l’externe – les relations entre les appartenances qui constituent une partie du ‘moi’ et celles qui adviennent avec les ‘autres’ -, une meilleure gestion de la diversité des identités, basée sur le respect, le dialogue et ayant pour objectif la convivialité ou le vivre ensemble.
3- Comment réagit le public libanais, surtout la femme libanaise vis-à-vis de ce blog?
Suite au lancement de la plateforme, les réactions furent partagées, surtout de la part des organisations féministes établies dans le pays – hormis Women in Front par exemple qui milite pour les droits politiques des femmes libanaises  et qui m’invita à maintes reprises à participer à ses réunions et à présenter des conférences -, ainsi que du public anti-féministe lequel est constitué de femmes et d’hommes. Le passage du pensable (la ‘norme’ sociétale) à l’impensable/l’impensé (ce qui fut ou est marginalisé) crée nécessairement des remous. Toutefois, les réactions positives furent nombreuses : de la part d’un public averti (femmes et hommes), mais aussi qui ne l’était pas et découvrait pour la première fois ce genre de discours, visions et pratiques (femmes au foyer, femmes de carrière, des libanaises vivant au Liban et en diaspora, étudiantes au secondaire et à l’université, et des femmes de diverses nationalités interpellées par les causes des droits humains/droits des femmes et de la paix au niveau mondial); de la part de certains médias traditionnels (chaînes télévisées locales, européennes et nord-américaines, presse écrite et électronique)…
4- Quel a été l’impact de ce blog en réalité sur le terrain libanais?
Le blog compte actuellement des centaines de lecteurs-lectrices réguliers-ères et des milliers de lecteurs-lectrices irréguliers. La page Facebook compte plus de 17000 personnes (un nombre qui fut atteint progressivement, donc qui diffère d’une campagne ponctuelle ou d’un effet mode), avec une majorité de femmes libanaises (public cible en premier lieu, mais pas le seul) de toutes générations, confessions, statuts sociaux et tendances politiques. Certaines d’entre elles lisent, d’autres commentent et –ou partagent leurs histoires, et je reçois souvent des demandes d’aide – femmes battues, tentatives de suicide, etc. – que je redirige vers des organisations spécialisées dans l’assistance immédiate comme Kafa pour les cas de violence domestique. Des étudiantes d’université furent inspirées par la plateforme et le mouvement qui fut créé par la suite : certaines ont présenté des exposés dans leurs écoles et universités ; d’autres ont publié des articles et livres, ou ont produit des documentaires. Je reçois souvent des messages d’encouragement et de remerciements de la part de femmes vivant dans des conditions difficiles. L’impact est réel, au-delà du virtuel. 
5- Comment évaluez-vous le statut de la femme libanaise ?
A première vue, l’on peut affirmer qu’une partie des libanaises jouissent d’une marge de liberté introuvable dans certains pays avoisinants, et l’on peut se réjouir de certains acquis et avancées : la Constitution libanaise engage le Liban à appliquer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les traités relatifs aux droits humains. Cette constitution proclame entre autres, l’égalité politique des libanais : égalité de l’admissibilité aux fonctions politiques, au droit de vote et d’éligibilité. Le Liban a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1997 (avec réserves). Quelques progrès furent réalisés dans le domaine de l’éducation des femmes, en particulier l’éducation supérieure. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement, les femmes représentent la moitié de la population universitaire libanaise.  Le crime d’honneur qui était légitimé au Liban jusqu’en 1999, est considéré comme crime pénal depuis 2011 (l’article 562 du Code pénal fut aboli : il permettait à l’auteur d’un crime dit d’honneur de bénéficier d’une circonstance atténuante et d’une peine réduite lorsque le crime avait été perpétré à l’encontre d’une personne prise en flagrant délit d’adultère ou de rapports sexuels illégitimes). La société civile inclue des individus, des groupes et des associations militant pour les droits des femmes depuis des décennies, et dont les initiatives ne peuvent qu’être louées.
Toutefois, selon le rapport mondial sur l’écart entre les genres publié en 2013 par le Forum économique mondial (WEF) à Genève, le Liban occupe la 123e place sur 136 pays, en chute d’une place par rapport à 2012 et de cinq places par rapport à 2011. Au niveau de l’égalité économique (participation et opportunités économiques), le Liban occupe la 126e place, la 87e place en matière d’éducation (avec un écart complètement comblé en ce qui concerne les inscriptions pour des études secondaires et supérieures) et la 133e place au niveau de la participation à la vie politique. En effet, 3% des Parlementaires sont des femmes. Les dispositions légales discriminatoires à l’égard des femmes persistent dans la loi sur le statut personnel, dans le Code pénal ainsi que dans d’autres lois. Le taux d’activité des Libanaises ne culminait qu’à 22 % en 2011 (rapport de la Banque mondiale). Ce n’est pourtant pas par manque de diplômes mais davantage pour des raisons culturelles et logistiques que les femmes ne travaillent pas. S’occuper des tâches ménagères et des enfants reste majoritairement dévolu aux femmes. Elles sont nombreuses à arrêter de travailler quand elles fondent une famille. En effet, 68 % des Libanaises qui travaillent sont célibataires. Le bas taux de femmes actives dans le milieu du travail s’explique aussi en partie par le manque d’aide et de structures pour la garde des enfants, ainsi que par des salaires trop bas.
6- Quel rôle doit-elle principalement jouer?
Il n’existe pas un rôle spécifique pour la femme libanaise. Ses rôles peuvent être multiples, tout comme ceux des hommes d’ailleurs ; des rôles pareils, différents et complémentaires dans les secteurs privé et public, au niveau micro (la famille) et macro (la société). Il est vrai que divers obstacles limitent les choix. Pour que ceux-ci soient permis et accessibles, il est urgent d’agir à partir de la base et d’élargir les lieux de lutte déjà en place. Une révolution des mentalités devrait advenir, accompagnant le changement de lois, même si celle-ci prendrait des décennies. Pour que, justement, les femmes (la plupart) cessent d’être spectatrices, figurantes, mineures qui ne peuvent décider, exclues de la vie publique, de la politique, de l’histoire, et cessent d’être réduites à leur seule nature et condition de mère/épouse soumise ou de bel objet à admirer et baiser. Avec Red Lips High Heels, il s’agit d’affirmer par exemple que les femmes ne doivent et ne peuvent être tenues à l’écart de l’étude et de la réflexion, ni de la dissémination du savoir, de la liberté de créer et d’imposer leurs talents de créatrices.

4 comments:

  1. Congratulations Dr. Quelle belle entrevue! Je vais de ce pas visiter Red Lips High Heels.

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  2. J'ai bien aimé votre description métaphorique des lèvres rouges et talons hauts. Bonne suite dans votre lutte et celle de bien de libanaises!

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  3. Merci Mr. Charbel. La lutte est évidemment aussi commune avec celle des Libanais. Femmes et hommes sont appelés à lutter pour une culture de la paix et une meilleure gestion de la diversité, incluant celle des genres.

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