La réalité au Liban n'est pas ce qui est colporté par les médias...
D'autres réalités existent aussi!
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Bonjour à tous-toutes,
je me permets ici de rédiger une réponse au commentaire posté par Faysal (que j'ai d'ailleurs beaucoup apprécié, Merci Faysal!) dans le cadre de mon billet 'Breathing for Peace'.
1- Commentaire de Faysal (16 juillet 2008):
Pamela, merci pour tous ces souhaits de paix, mais là je voudrais te poser une question sur la réalité. Le président Michel Sleimane, le Premier ministre Fouad Siniora et des membres des principales formations politiques du pays, même celles opposées au Hezbollah, étaient rassemblés pour accueillir les prisonniers à l'aéroport avec une cérémonie censée symboliser l'unité nationale face à Israël.Les cinq militants libanais libérés mercredi par Israël ont été accueillis en héros dans le sud de Beyrouth par le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah et des dizaines de milliers de personnes. Il s'agissait de la première apparition publique depuis janvier dernier du chef du mouvement chiite.Nasrallah a déclaré aux dizaines de milliers de personnes venues célébrer la libération des militants que "l'ère des défaites est révolue, et l'ère des victoires est arrivée" pour le HezbollahParmi les détenus relâchés figure Samir Kantar, condamné à plusieurs peines de réclusion à perpétuité pour le meurtre d'un père, de sa fille de quatre ans et de deux policiers lors d'une infiltration en 1979 à Nahariya (nord d'Israël), près de la frontière libanaise.Kantar a promis aux partisans du Hezbollah qu'il continuerait à combattre l'Etat hébreu : "Je suis rentré aujourd'hui de Palestine, mais croyez-moi, je ne reviendrai pas avant d'être retourné en Palestine", a-t-il lancé à la foule en liesse. "Je promets à mon peuple et à mes proches en Palestine que je retournerai avec mes camarades de la vaillante résistance islamique".Mais que veut dire tout cela ? Où est le chemin vers cette paix lorsque on vit dans un tel aveugleument, dans une telle haine ? On livre deux cadavres à l'ennemi et on reçoit avec tous les honneurs ces cinq "héros"...Tout cela me parait trop indigne, trop dégoutant. Où est passé l'humanité, merde. De quelle démarche spirituelle peut-on parler face à une régréssion telle ? Oui... il va falloir avoir beaucoup de foi, d'espoir et accomplir un travail de long haleine, je vois venir la réponse... mais soyons sincères, est-elle une vraie réponse ?
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2- Ma réponse:
Salut Faysal. Merci pour ton commentaire et tes questions que plusieurs d'entre nous se posent également.
Il existe plusieurs réalités au Liban, dont une seule qui est constamment promue par les médias: celle qui se concentre sur les leaders, les institutions, les partis politiques, les ingérences étrangères et les nouvelles dites 'sensationnelles'. Or, à elle seule, cette réalité ne constitue pas toute l'histoire du Liban, ni son patrimoine, ni son peuple. D'autres réalités non promues, inconnues à l'échelle internationale et même à l'échelle nationale, forment le gros des dynamiques inter-Libanaises. Il s'agit d'espaces- de lieux de dialogue de vie, dans le quotidien; il s'agit de discours et d'actions continuels pour la paix, sans lesquels le Liban aurait explosé en mille miettes il y a bien longtemps, sans lesquels moi-même n'aurais pu écrire ces quelques mots de mon bureau à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth en ce moment.
Il m'est donc absolument important à titre individuel et avec les quelques collectivités avec lesquelles je travaille au Liban et ailleurs, de contribuer à faire la lumière sur ces réalités et à promouvoir des initiatives alternatives aux discours sur-médiatisés. Bien que certains événements soient importants comme l'échange des prisonniers (al 'athra) - martyrs (al chuhada') il y a deux jours, d'autres sont cruciaux: réconciliation nationale (non seulement entre leaders), dialogues pluriels (interreligieux, interconfessionnel, inter-générationnels, inter-genres, inter-classes sociales, etc.), sortie de la crise économique, traiter les problèmes environnementaux, trouver une solution équitable aux camps de réfugiés palestiniens et aux déplacés Libanais, oeuvrer sur la question de l'émigration - surtout celle des jeunes diplômés - et le chômage, etc.
Il y a moins de deux mois, les principaux courants politiques au Liban se sont combattus avec les armes ... Il y a deux jours, nous avons vu leurs leaders côte à côte rassemblés à l'aéroport de Beyrouth pour accueillir les prisonniers Libanais relâchés par les Israéliens. Aussi, le cabinet d'union nationale fut constitué au même moment... Paradoxe? Nullement... C'est le peuple, ou une partie du peuple qui suit ces leaders qui paye les pots cassés de leurs alliances et conflits éphémères. Des boucs émissaires? Des victimes d'une politique à facettes multiples? Oui et non... Oui en un sens, car victimes de leur ignorance et aveuglement. Non, car ils ont la responsabilité d'être citoyens avant même de 'suivre' tel ou tel autre zaïm, ou d'appartenir à telle ou telle autre communauté. De là l'urgence d'une culture de citoyenneté responsable et active.
Heureusement que des individus et des collectivités vivent cette citoyenneté et en font la promotion. Mais cette culture doit être nationalisée, généralisée, inculquée dans les écoles et les universités, dans les partis politiques et les centres culturels des municipalités. Une citoyenneté unie dans la diversité. A moins qu'il n'y ait une lutte constante pour penser et implanter cette culture (dans le cadre plus large d'une culture à la paix), le Liban sera toujours la proie de ses zouaama' (ses 'leaders') et des ingérences étrangères. Je l'avais déjà dit une fois et je me le redis chaque jour: la paix ne va pas nous tomber du ciel, ni ne sera faite par les 'leaders'. Elle est en chacun de nous et nous pouvons tous ensemble la faire advenir, même si celle-ci va prendre des générations de résistance.
Idéaliste? Nullement... Mes deux pieds, mon coeur et ma tête sont bien ancrés sur le terrain. Je puise mes principes, mon espérance et ma passion de la multiplicité des réalités au Liban. Se concentrer sur une seule de ces réalités (surtout celle qui promeut la violence) conduit inévitablement à désespérer du potentiel humain à faire et vivre la paix...!