Au Maroc, les femmes participent significativement au marché du travail. Pourtant, leur participation au processus décisionnel politique demeure limitée. Pour des raisons liées à la fois à la culture patriarcale de la société et aux stratégies partisanes.
Une culture patriarcale ambiante
À cause de la culture patriarcale ambiante, quand les femmes travaillent, elles sont obligées de concilier leurs profession et tâches familiales traditionnelles. D'où le découragement de plusieurs de s'éloigner des frontières de leur monde privé. Aussi, dans un tel milieu social, on est d'emblée peu porté à l'ouverture à la reconnaissance pleine et entière de la valeur de la participation des femmes aux affaires de la cité.
Le recours de certains milieux conservateurs à des citations prophétiques misogynes n'est pas de nature non plus à militer en faveur de la promotion de la femme dans le monde politique. Il vient au contraire renforcer les représentations négatives de son image. Cette représentation idéologique se reproduit dans les différents champs de la société. D'où le découragement de plusieurs femmes à s'engager activement dans le militantisme politique.
Quant à la participation des femmes elles-mêmes à cette situation, il ne faut pas perdre de vue qu'elles ne sont pas des objets inanimés, des victimes de stratégies machistes. Elles sont au contraire des actrices qui participent aux processus culturels de reproduction de la société. N'oublions pas que ce sont elles, et non les hommes, qui remplissent plusieurs fonctions importantes au niveau de la famille. Ce sont elles qui par exemple s'occupent les premières de la socialisation des enfants. Elles les initient aux premières formes de la vie religieuse. Ce sont elles qui initient les enfants, jusqu'à l'âge de 9-10 ans, aux rites du rapport au corps, notamment en matière d'hygiène. À travers ces exemples, on voit que ce rapport mère-garçon commence dès la tendre enfance. Et même au moment du mariage, donc à l'âge adulte, le jeune homme cherche la bénédiction de son choix par sa mère. Faisant elles-mêmes partie de la société et subissant ainsi son influence, elles participent à sa reproduction idéologique. C'est pourquoi elles continuent à transmettre à leur progéniture les valeurs culturelles qui ne sont pas de nature à faire la promotion de la femme dans la vie politique. L'influence d'une telle conception culturelle est telle que même des femmes impliquées dans la gestion du «gouvernement» local ou présentes au Parlement perçoivent leurs fonctions électives comme une extension de la sphère domestique.
Et les stratégies partisanes
Dans le cas des femmes qui trouvent quand même assez d'énergie et de motivation pour s'impliquer réellement dans les partis politiques, elles font face à deux situations décourageantes. La première concerne la taille de la présence des femmes dans les organes décisionnels (bureau politique et comité central). À l'exception d'un petit parti vert, aucune autre femme ne dirige un parti politique, et peu de femmes sont présentes dans le comité central ou le bureau politique des différents partis. À cet égard, la jeune formation islamiste, Parti de Justice et de Développement (PJD), s'est montrée plus volontariste que tous ses adversaires, y compris ceux dits progressistes.
Ce peu d'ouverture face aux revendications de leurs sections féminines et d'intérêt vis-à-vis de la promotion des femmes au sein des partis s'explique par le contrôle que les hommes exercent sur les postes de responsabilité et de direction, et donc sur les machines partisanes. Partageant une culture patriarcale ambiante, ces dirigeants sont portés à favoriser d'autres hommes et donc à marginaliser les femmes. Comme d'habitude, ils accordent de faibles possibilités à leurs militantes d'être élues car, aux états-majors des partis, présenter des candidates aux élections est considéré comme un pari risqué. Dans beaucoup de cas, les candidatures féminines assurent uniquement la fonction d'alibi pour montrer la modernité de ces partis. Les femmes sont généralement présentées dans des circonscriptions qui ne sont pas «gagnables», sous prétexte que «le peuple» serait profondément conservateur et par conséquent ces femmes n'auraient aucune chance de remporter les élections. De tels propos cherchent en fait à camoufler, au sein des différents partis, le sentiment d'hostilité de plusieurs secteurs masculins aux candidatures féminines.
Une raison supplémentaire explique la marginalisation de la femme dans les organes décisionnels des partis. Celles qui sont soutenues par leur famille et trouvent assez d'énergie pour s'impliquer réellement dans les partis politiques ne bénéficient pas du soutien de ces machines politiques car, malgré leur discours volontiers égalitaires, ces formations, qui sont le produit de la société, continuent en fait à concevoir la politique comme une affaire d'hommes. Pour se défendre, ils avancent l'argument qu'au fond les femmes ne veulent pas vraiment s'impliquer dans la vie politique ou qu'elles n'ont pas les qualités requises pour un tel engagement. Mais, venu le temps des consultations électorales, ces mêmes partis se servent du thème de l'émancipation de la femme pour récolter le maximum de suffrages féminins. Le fait de se doter de sections féminines n'a pas poussé les partis politiques à prendre sérieusement à leur compte l'agenda féminin. De plus, ces sections n'ont pas encore réussi à dépasser l'état de tutelle dans lequel elles étaient déjà placées au sein de leurs partis respectifs. Cette donne n'est pas une nouveauté, puisque, face à un régime autoritaire, la société marocaine n'a pas cessé depuis plusieurs décennies de débattre au sein des partis d'opposition d'alors et de leurs filiales syndicales pour savoir s'il faudrait ou non attendre la démocratisation du régime pour pouvoir régler la question de l'émancipation de la femme et de son intégration politique. Les féministes pourraient voir dans cet argument une sophistication de la volonté partisane de les exclure des postes de décision politique.
Mais, pour modifier ces équilibres entre les deux genres, le secteur féminin de plusieurs partis, notamment ceux de gauche ou islamiste, n'a cessé d'encourager les femmes à participer à la vie politique. Un tel investissement cherchait également à donner aux femmes une image positive d'elles-mêmes. C'est pourquoi plusieurs femmes se sont présentées aux élections. La mesure royale de quota féminin obligatoire depuis les élections législatives de 2002 est une bonne nouvelle pour ces dernières.
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La culture patriarcale et les stratégies machistes des leaderships partisans se sont de fait liguées pour réduire le champ des possibilités d'ascension politique des femmes marocaines. Si l'adoption par le Maroc du principe de quota féminin obligatoire est de nature à améliorer la représentation des femmes dans les assemblées locales et législative du pays, elle n'est pas de nature à saper les fondements culturels misogynes de la sphère politique. D'où l’importance d'une certaine «rupture» idéologique avec l'idéologie sociale dominante, grâce notamment à la généralisation d'une éducation moderne.
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Pamela: Quels rapprochements à établir avec la situation des femmes au Liban? Une question que je pose aux internautes et blogueurs.
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Iran : Barack Obama à l'épreuve de la réélection d'Ahmadinejad
par Aziz Enhaili
Au lendemain du 12 juin dernier, Mahmoud Ahmadinejad est officiellement déclaré vainqueur à l'élection présidentielle. Un résultat contesté notamment par une partie du peuple iranien.
Avec la répression sanglante qui s'est abattue sur des contestataires pacifiques dans le pays des mollahs, la pression s'est accentuée à Washington sur Barack Hussein Obama pour qu'il prenne des mesures de rétorsion contre l'Iran.
Étant bien entouré et connaissant le passé tumultueux des relations irano-américaines, ce président a su jusqu'à présent résister à ces coups de sang. À raison.
La veille de l'élection présidentielle iranienne du 12 juin dernier, les puissances occidentales et Arabes-sunnites espéraient secrètement voir le président sortant mordre la poussière devant un candidat «présentable» comme Mir Hossein Moussavi («Mir Hossein Moussavi, un dirigeant réformateur?»). Mais c'était sans compter avec les inquiétudes «existentielles» du régime de la République islamique dans un environnement régional de plus en plus hostile à son égard («Iran: les raisons de la réélection de Mahmoud Ahmadinejad»).
Si «l'effet Hussein Obama» («Obama en Égypte: les enjeux de sa visite») a opéré dans une certaine mesure lors des élections législatives libanaises («Élections libanaises. Un système politique captif des jeux d'influence»), il a montré dans une certaine mesure ses limites dans le pays des mollahs.
Une partie de l'opinion publique iranienne a montré pacifiquement son mécontentement de voir Mahmoud Ahmadinejad se succéder à lui-même. Avec la sortie du Guide suprême de la République de son rôle traditionnel d'arbitre entre les factions du pouvoir en compétition, l'institution de la guidance suprême sort affaiblie. La répression sanglante des manifestants pacifiques a achevé d'affaiblir la légitimité de la République islamique («Sortie de crise en Iran»). Les accusations portées contre des puissances occidentales ou de journalistes iraniens ou étrangers à l'effet que ce sont eux qui alimenteraient le feu de la contestation politique domestique ne changeront rien à cette dynamique oppositionnelle qui vient de franchir un cap, avec ses martyrs (dont Neda Agha Soltan n'est que la plus célèbre icône), sa rhétorique et ses symboles à l'appui.
Devant les images «volées», par des «Youtubers», à la censure d'un régime tatillon et qui montraient combien la main bassidji était lourde face à des contestataires pacifiques, la pression politique et médiatique n'a cessé de s'accentuer sur Barack Obama pour le pousser à faire marche arrière et de changer de politique étrangère face à ce pays.
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Les Juifs et le Prince : Minorité juive et pouvoir politique au Maroc
par Aziz Enhaili
Le Maroc est le pays arabe qui a conservé la plus forte communauté juive. Historiquement, les juifs sont arrivés dans ce pays il y a plus de 2000 ans. Ils avaient converti des tribus berbères à leur religion. Les Romains leur avaient accordé un statut de nation distincte. Mais l'adoption du christianisme comme religion de l'empire s'est accompagnée de leur persécution.
Depuis, leurs rapports au pouvoir n'ont cessé de fluctuer au gré de la situation politique du pays.
Excellents articles Mr. Enhaili.
ReplyDeleteMerci pour ces précieuses informations sur la situation au Maroc.
L.