Thursday, June 30, 2011

Quel avenir pour le Liban?

Faisant partie de la génération des enfants de la guerre du Liban en sa période la plus sanglante (1975-1990), étant née et ayant grandi dans son cadre, ma mémoire est chargée de souffrances et d’une quête incessante de survie. Je cherche constamment un sens au tumulte de mon existence et de celle de tous les Libanais : pourquoi sommes-nous pris dans un cercle vicieux duquel nous n’arrivons pas à nous échapper? Pourquoi la haine, les tensions, la discorde, l’exclusion de tout ce qui est ‘autre’? Qui sont les responsables? Sommes-nous tous responsables? Comment définir ce ‘nous’? Faut-il s’engager pour un meilleur avenir en assumant les déboires du passé, ou faut-il tourner la page? Faut-il oublier ou ne pas oublier? Sommes-nous tous des morts en sursis, vivant dans l’angoisse de la prochaine explosion? 


Telles sont les questions que moi-même et bien des Libanais de ma génération ont tenté de différer mais auxquelles ils ne peuvent plus échapper. Questions tournant autour de la guerre et de la paix, de la mémoire et de l’identité, qui résument la souffrance et le drame de bien de personnes ballottées entre l’amnésie et l’hypermnésie. Ces questions, je les pose et me les pose encore aujourd'hui, avec une note de tristesse, sans pour autant perdre l'espoir d'un meilleur lendemain. En effet, je crains la recrudescence de violences internes dans un proche avenir... Aussi, une nouvelle offensive israélienne, laquelle incluerait cette fois non seulement le Liban mais aussi la Syrie en position de faiblesse au niveau international et en situation interne chaotique. « Divide et impera » -  Diviser pour régner ou le meilleur moyen d’avoir les mains libres pour gouverner, c’est de semer la discorde parmi ses opposants. 

Certes, le Liban passe par une crise multiforme depuis des décennies. Toutefois, la situation actuelle (acte d'accusation du tribunal de l'ONU pour le meurtre de l'ancien premier ministre Rafic Hariri contre 4 membres du Hezbollah et intensification des tensions internes) fait craindre l’exacerbation de la politique d’exclusion; une situation qui appelle à un sérieux examen de conscience, où la plupart des victimes et des bourreaux, acteurs de la tragédie libanaise, persistent à se murer dans le silence afin de préserver la ‘fragile entente’ ou se responsabilisent/déresponsabilisent mutuellement. Certes, on a beau croire qu’il faut savoir oublier pour goûter la saveur du présent, ou alors au contraire, on peut recourir au passé mythique aux couleurs des gloires phéniciennes, romaines, byzantines, arabes…, lesquelles en quelque sorte réconfortent les esprits tiraillés par un présent sans lendemain; mais sans la remémoration critique du passé, on n’en tire pas de leçons et on continue à perpétrer les mêmes atrocités et le même langage de vengeance.



11 comments:

Toni said...

Merci Dr. Pamela pour cet article fort interessant et surtout pour cette vision au-dela de ce qu'on a entendu hier: pour le tribunal international ou contre...

Dr. Pamela Chrabieh said...

Nous sommes pris dans le cercle vicieux de la guerre et il est important d'analyser la situation actuelle au regard de notre passé. Ne pas oublier que des milliers de massacres furent commis par la majorité de l'élite politique actuelle et que ce serait bénéfique pour tous les Libanais de s'inspirer par exemple des Sud Africains et de leur processus de Vérité et Réconciliation, non Punition... Le Liban va à sa perte si les Libanais tombent dans le piège de la vengeance et de la guerre interne lesquelles ouvriront la voie aux guerres externes. Il suffit de relire notre histoire pour s'en rendre compte. Mais malheureusement, beaucoup ne lisent point, ou alors sont amnésiques!

Anonymous said...

Hello Dr.Pamela, thank you for this interesting insight. Lebanese people should be careful and be alert to all these changes in the region. What is happening in their country is part of a bigger plan. God be with you!

akad said...

Pour déstabiliser le Liban, on est prêt à créer une crise autour de l'assassinat de Rafic Hariri, qui n'a été assassiné qu'à suite à une autre crise créée pour désarmer le Hezbollah. C'est ainsi que le Liban ne peut sortir d'une crise que pour rentrer dans une autre.

En Espagne par exemple, où les Francquistes n'existent plus, et qu'il n'y a aucun risque de retour au conflit, le fameux juge Garson, a été banni seulement parce qu'il a osé revenir sur les disparus des années 30, en violation de la conciliation civile.

Que Dieu préserve le Liban.

Dr. Pamela Chrabieh said...

Oui, malheureusement...

Anonymous said...

Intéressant ce que tu écris Paméla mais je crois que le temps des amnisties est terminé: ça fait 20 ans qu'on amnistie ou qu'on fait les sourds et aveugles face à l'utilisation de la force en politique au Liban. L'idée derrière les commissions "vérité et de réconciliation" n'est pas mauvaise, ce modèle a fonctionné dans plusieurs pays : on propose une amnistie en contrepartie d'une reconnaissance, d'un aveu des violations et crimes commis dans une période politiquement difficile. Sans faire ce type d'exercice, il y a quand même eu, au Liban, une loi d'amnistie couvrant les crimes commis pendant la guerre (1975-90). Aujourd'hui, nous ne sommes plus en situation de guerre (du moins à l’interne), aussi, il faudrait que tous les acteurs politiques libanais comprennent qu'il n'est pas acceptable de commettre des crimes peut importe que ce soit pour une cause quelconque et pour un parti politique faible ou puissant. Il s’agit là d’un principe général qui n’est pas dirigé contre un parti en particulier mais qui devrait prévaloir pour tous. C'est la base de l'État de droit: l'égalité de tous devant la loi, y compris même des acteurs politiques et gouvernementaux Tant que la justice ne s'imposera pas à tous également, il n'y aura pas de véritable État de droit au Liban et les Libanais resteront soumis à l'arbitraire – l’arbitraire se modulera toujours en fonction des rapports de force des présences politiques en place (rapport de force évidemment appelé à changer au fil du temps). La démocratie exige une égalité de tous face à la loi et une justice indépendante des pressions politiques. Les deux font cruellement défaut au Liban. Aujourd'hui, je crois que le temps des amnisties est dépassé, il est temps de comprendre que la politique se fait par la délibération et non par l'assassinat et la pose de bombe !

K.

Dr. Pamela Chrabieh said...

En fait, l'amnistie dans les annees 90 n'etait que selective, partielle et partiale... Rien a voir avec l'amnistie en vue d'une reconciliation nationale telle qu'advenue en Afrique du Sud ou ailleurs, avec toutes les objections qu'on pourrait avoir a l'encontre des conditions et mecanismes etc. A mon avis, nous sommes en guerre et pris par son etau. Ma definition de la guerre ne comprend pas uniquement l'aspect physique (combats, traites) mais aussi et surtout l'aspect psychique (traumas, tensions internes, propagande, haine, prejuges, stereotypes, etc.). Et cet aspect-la, on est bien loin de l'avoir regle... Tant qu'une veritable reconciliation nationale n'a pas lieu, quel que soit le processus adopte, le Liban sera constamment pris par l'etau de la guerre physique alimentee par la psychique!

akad said...

Le Liban malheureusement est toujours exposé à l’interventionnisme étranger, et c’est ce qui l’empêche d’établir une vraie amnistie. En 2002, le président Chirac prononça un discours au parlement libanais, dans lequel, il vanta la présence syrienne au Liban la qualifiant de garant de la stabilité. Deux ans plus tard, il changea de position et décida de faire sortir la Syrie du Liban. Les USA pour soutenir le projet de Chirac au conseil de sécurité, ont exigé le désarmement des milices présentes au Liban, dans le but de désarmer le Hezbollah. C’est ainsi que la crise a été créée. Après, en 2005, il y a eu l’assassinat de Hariri et en 2006, la guerre contre le Liban soutenue ouvertement et clairement par les USA. Comment des partis libanais peuvent ils considérer les USA, qui soutenaient ouvertement et publiquement l’agression israélienne contre le Liban et qui refusaient le cessez le feu, comme leurs alliés ? Peut on imaginer un seul instant qu’Israël puisse considérer l’Iran comme un allié pendant que ce dernier fourni les armes au Hezbollah et au Hamas ? Prendre son ennemi pour son allié et lui permettre de vous dicter la conduite à suivre est le principal facteur de la discorde libanaise. Plusieurs hommes politiques libanais, rappellent au gouvernement que la mission du TSL est sous le chapitre 7. Comment des patriotes ou des députés peuvent menacer leur patrie et peuple par l’intervention d’une force étrangère ? Les résolutions sous le chapitre 7, se décrètent toujours contre le gré d’un Etat, sauf dans le cas du Liban, où il a été décrété avec le soutien et l’accord du gouvernement.

En conclusion, c’est cette tendance à inviter les superpuissances étrangères à s’immiscer, et par la force, dans ses propres affaires intérieures, qui laisse le Liban vivre dans une crise quasi permanente.

Dr. Pamela Chrabieh said...

Les ingérences étrangères... Un virus dont la plupart des Libanais n'arrivent pas à s'en débarrasser. D'ailleurs, depuis l'Antiquité, le territoire était constamment convoité par les puissances régionales. Même au temps des mini-royaumes cananéens, chacun de ceux-ci était à la merci soit des Perses, des Babyloniens, des Egyptiens, etc. Relire le passé et en apprendre des leçons qui puissent contribuer à la construction d'un meilleur avenir, voilà une des voies de sortie du cercle de la guerre qu'il faudra entreprendre. Certains individus et quelques collectivités le font déjà, mais nous avons besoin d'un processus national de conscientisation et d'éducation.

Baladas Mp3 said...


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Dr. Pamela Chrabieh said...

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