Sunday, April 02, 2006

Religion et violence au Liban

Religion, politique et violence: pour une relecture de la guerre au Liban.
par Pamela Chrabieh
Publié dans Religiologiques, Québec, no.31, printemps 2005.


Une guerre dévaste le Liban, officiellement de 1975 à 1990, mais dans les faits, au moins jusqu’en mai 2000, date du retrait israélien du Sud. Menée par diverses milices locales (tant confessionnelles, qu’a-confessionnelles et transconfessionnelles) et puissances étrangères (Syrie, Israël, États-Unis, Union Soviétique, Irak, Iran, OLP, France…), suivant un jeu multicéphale de gestion du pouvoir et d’alliances stratégiques, ses causes s’avèrent multiples, son déroulement tout aussi complexe et son bilan lourd de conséquences : plus de 10% de la population massacrée, plus de 15% de blessés, des milliers de disparus, la destruction des infrastructures et de la plupart des bâtiments publics, des demeures et des propriétés civiles, des milliers de réfugiés et de déplacés, des centaines de milliers d’exilés, etc..(1)
Et la liste n’est pas achevée, puisque d’une part, il faudrait prendre en compte les diverses répercussions physiques, psychologiques, et économiques avec plus de 40 milliards de dollars de dettes pour une population ne s’élevant qu’à près de quatre millions de personnes ; la dépréciation de la livre libanaise qui était l’équivalent du dollar américain avant la guerre et qui vaut actuellement 1500 fois moins ; l’accroissement du taux de chômage et de la pauvreté, etc. D’autre part, la situation régionale, en feu, se répercute directement sur les politiques gouvernementales et sur le quotidien des libanais ; sans compter l’adoption de la résolution 1559 par le Conseil de Sécurité des Nations Unies stipulant le retrait des forces syriennes du Liban, l’assassinat de l’ex-premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005, les manifestations monstres qui suivirent cette date fatidique, ainsi que l’attente des législatives en mai 2005 imprégnée d’attentats à la voiture piégée et de débats houleux entre « l’opposition » et « les loyalistes ».
À mon avis, la guerre continue, mais elle adopte d’autres modalités, elle se meut en d’autres formes, et celles-ci sont non moins nuisibles que dans le passé. Néanmoins, l’objectif de cet article n’est pas d’en effectuer un inventaire, ni d’en analyser toutes les facettes bien que celles-ci soient interreliées, mais de pointer ce que j’identifie par un mécanisme machiavélique qui en est issu et en est constamment alimenté : l’effacement de sa mémoire, par le biais, entre autres, de l’adoption du dialogue islamo-chrétien comme référent identitaire et ancrage socio-politique exclusifs au Liban. En effet, en dépit des apports des discours et des pratiques qui en font état à une reconstruction nationale et une convivialité sociale, ceux-ci présentent des limites, parmi lesquelles la production de « pensables » et donc « d’impensables » et de « non-dits »(2).

Je m’explique :

1– Durant la période 1975-90, c’est la logique du système confessionnaliste qui prend tout son essor, en partie grâce à la désintégration de l’État libanais, à la paralysie du Parlement, et au contrôle de la presse et du territoire par les milices et les armées étrangères qui en suppriment l’aspect « démocratique » pour n’en garder que « le fanatisme » et « la violence » (Corm, 1992, p. 171). Je rappelle que le confessionnalisme est le système de gestion socio-politique des diversités en vigueur au Liban, dont certaines bases furent implantées à la fin du 19e siècle sous le régime ottoman. Celles-ci furent complétées et renforcées par le mandat français (1920-1943) et les gouvernements successifs après l’indépendance (1943). La dimension politique du confessionnalisme (dite le communautarisme) implique que les emplois politiques et administratifs sont répartis entre des confessions religieuses « historiques » — chrétiennes et musulmanes notamment — selon des quotas spécifiques. Sa dimension personnelle signifie que tout ce qui touche au statut personnel des libanais, relève de lois établies par les confessions.
En dépit des quelques aspects positifs de ce système telle la reconnaissance d’une diversité religieuse que l’on ne trouve pas ailleurs au Proche-Orient — le confessionnalisme permettant aux communautés d’avoir leur existence politique et sociale, chose impossible dans les pays avoisinants soit au nom du totalitarisme du panarabisme ou de celui de la religion —, celle-ci est en crise depuis plusieurs décennies et surtout avec la guerre : mauvaise gouvernance ; clientélisme confessionnel vis-à-vis de puissances régionales et internationales ; corruption de l’administration de l’Etat ; etc. Selon Georges Corm (1992, p. 7) :

Les milices se projetteront comme les embryons d’États communautaires, et se comporteront comme des gouvernements de fait à caractère totalitaire, ayant droit de vie et de mort sur les communautés qu’elles prétendent incarner, levant des impôts, ayant leur presse, leur radio et leur télévision, supprimant par la violence la plus brutale toute dissidence dans les ghettos communautaires qu’elles ont mis en place à l’aide des puissances régionales. C’est ainsi que la milice des Forces Libanaises, dite milice chrétienne, se voudra la force exclusive d’un État entièrement chrétien, ou bien d’un État où les musulmans ne seraient que des citoyens de seconde zone. Celle d’Amal, dite chiite, cherchera la restauration de l’Etat libanais sous la prédominance de la communauté chiite prenant la place de la communauté maronite ; le Hezbollah exigera la création d’une République islamique sur le modèle iranien ; quant à la milice druze, elle aura constitué, elle aussi, à la faveur de l’invasion israélienne de 1982, un canton druze au Chouf, parfaitement homogène.

Ainsi, bien que le facteur religieux n’explique pas à lui seul la guerre au Liban, les milices ont eu souvent recours à l’appartenance confessionnelle, contribuant de ce fait à son exacerbation et à l’occultation des ingérences étrangères. Le Liban a pourtant été « un champ de bataille pour les rivalités régionales et internationales » (Salam, 2003, p. 8). Mais la guerre fut perçue et qualifiée de « civile », et en l’occurrence, d’« islamo-chrétienne » ; qualificatif relayé par un grand nombre d’analystes et d’observateurs, ainsi que par la grande majorité des médias nationaux et internationaux. L’exemple le plus frappant de la promotion d’une vision réductrice de la guerre au Liban est l’emploi désormais fréquent de « la libanisation », néologisme journalistique inséré dans les dictionnaires et que l’on accole à tout conflit taxé d’inter-communautaire ou d’interreligieux ; certains n’hésitent pas à parler de la libanisation de l’Ex-Yougoslavie. Or, tel que l’affirme Corm (2003, p. 210):

Lorsque l’on parle de guerre civile, on évoque des formes de violence où la population civile souffre, sans aucun doute, mais où l’objectif militaire de chacune des factions armées est de dominer l’ensemble du territoire, d’éliminer la ou les factions opposées, puis de reconstituer rapidement un appareil d’État. Dans le cas du Liban, il est clair que nous ne nous trouvons pas en face de cette logique. En effet, mis à part la conjoncture du printemps 1976 où le Mouvement national tente d’envahir des milices dites ‘chrétiennes conservatrices’, les formes de violence pratiquées par les milices dès le 13 avril 1975 montrent éloquemment qu’il s’agit d’une visée bien particulière : paralyser l’État et l’armée, découper le territoire en ghettos communautaires, terroriser la population en considérant les libanais non pas sur la base de leur appartenance idéologique (pro- ou anti- palestinienne, pour ou contre une réforme politique), mais sur celle de leur appartenance communautaire.

L’instrumentalisation du religieux a donc consisté d’une part à décontextualiser son élément interactif en ignorant les démarches de la coexistence et de la convivialité, et aussi, à renforcer son rôle de référent exclusif et exclusiviste de l’identité libanaise.

2– Malheureusement, cette même logique d’uniformisation identitaire sur la composante de la religion a été entérinée par les accords de Taëf en 1989, qui marquèrent la naissance de la IIe République et apportèrent de nombreuses modifications à la Constitution libanaise (21 septembre 1990). Destinés à rééquilibrer les pouvoirs entre les communautés, à rejeter la cantonnisation du Liban ou sa transformation en une fédération de communautés, et donc à abolir progressivement le confessionnalisme politique ou le communautarisme pour éviter la partition du pays, ils semblent à première vue avoir du mérite(3) ; surtout qu’ils réaffirment aussi la liberté et l’indépendance du Liban, ce qui devrait exclure toute annexion de parties de son territoire par la Syrie et Israël.
Toutefois, ces accords me semblent contenir des points à remettre en question tel au plan juridique, car ils entérinent l’influence amoindrie des chrétiens et la plus grande place des musulmans, notamment les sunnites, tout en marginalisant les autres minorités, telle la communauté druze ; d’autant plus que le pouvoir est partagé par une troïka ou un triumvirat (maronite-sunnite-chiite) non-constitutionnel avec une prédominance des sunnites et des chiites — la refonte institutionnelle réduit les prérogatives du Président de la République (maronite) au profit de ceux du Premier Ministre (sunnite) et du Président de la Chambre (chiite) -, dépendant de l’arbitrage de la Syrie, ce qui risque souvent de le paralyser.
Pour Corm, Taëf ne constitue « qu’un véritable monstre juridique, profondément anti-démocratique, puisqu’il renforce les logiques communautaires dans l’exercice du pouvoir et prévoit même la nomination de députés par le Conseil des ministres » (2003, p. 571). En outre, les accords prévoient le redéploiement des troupes syriennes dans certaines régions du Liban et consacrent « la notion de relations “ privilégiées ” que prétend entretenir la Syrie avec le Liban, soit celles d’un protectorat déguisé » (Corm, 2003, p. 571-572)(4). La restauration de la pleine autorité de l’État dépend largement du rôle des forces régionales (Syrie, Israël, Iran…) et du progrès dans le processus de paix au Proche-Orient. En ce sens, la souveraineté du Liban serait en quelque sorte « suspendue » (Salam, 2003, p. 13).
Enfin, ces accords confortent la position des communautés religieuses en tant que constituantes essentielles du système politique et renforcent les alliances confessionnelles au détriment des alliances nationales. Selon Nawaf Salam, « Taëf est devenu lui-même une source de nouveaux déséquilibres qui n’ont fait qu’attiser les soupçons confessionnels des trois principales communautés » (2003, p. 34) ; il a mis le Liban « sur une pente à sens unique entraînant un système auto-alimenté d’appétits confessionnels » (2003, p. 37).

3– Depuis 1990, hormis la suppression de la mention de l’appartenance communautaire sur les documents d’identité, le dossier de l’abolition du confessionnalisme politique ou du communautarisme n’a pas progressé — on parle même de triomphe du discours et de la pratique communautaires dans le Liban de « l’après-guerre » —, alors que le confessionnalisme personnel est toujours de vigueur et même renforcé. Dans ce cadre de crise de la gestion des diversités qui va donc perdurer en dépit de l’arrêt des combats à Beyrouth, la réouverture des frontières internes et la course à la reconstruction foncière, plusieurs projets-alternatives vont être promus: « démocratie consociative » s’élevant contre la déconfessionnalisation, « République islamique », « système laïc » séparant la religion de la politique et la reléguant dans une sphère privée, « État islamo-chrétien » etc.
Ce dernier projet est particulièrement intéressant à explorer puisqu’il est appuyé par plusieurs instances religieuses et élites politiques, académiques et médiatiques. Dans le cadre de ma thèse, j’ai analysé notamment les approches de Georges Khodr et Mahmoud Ayoub. Leur problématique fondamentale peut être résumée en ce qui suit : le Christianisme et l’Islam sont aujourd’hui mal compris et donc mal appliqués au Liban ; et de là, la nécessité d’en reconstituer le visage, puisqu’il s’agit de « communautés de foi » capables de susciter des forces de renouvellement, de s’adapter aux nouvelles conditions d’existence et de poursuivre le chemin du dialogue. Khodr et Ayoub rappellent qu’au nom de l’Évangile et du Coran, on peut prôner la démocratie interreligieuse qui rompt avec toute prétention de l’hégémonie d’un groupe sur un autre.
Noble initiative face aux dérives intégristes et au processus de globalisation qui touche toutes les sociétés — dont la libanaise — et qui tend à imposer une approche de la religion homogénéisante et une pensée de la gestion des diversités qui l’est tout autant ! Prendre connaissance des approches de Khodr et d’Ayoub en particulier, sensibilise à une réalité du Christianisme et surtout de l’Islam, méconnue ou mal dépeinte par les différents médias ; une réalité qui lutte contre l’utilisation du message et des structures des religions pour légitimer le recours à la violence et à l’exclusion. Khodr et Ayoub appellent à œuvrer en commun pour une humanisation de la politique en vue de dépasser sa crise.
Toutefois, leurs approches réduisent les dialogues islamo-chrétiens aux relations entre un Islam et un Christianisme perçus comme deux religions aux contours bien définis, deux cultures et deux civilisations. En outre, elles véhiculent une logique discursive d’exclusion, car elles rejettent une pluralité de marqueurs identitaires, de croyances, de pensées et de pratiques ‘autres que’ chrétiens et musulmans, des pratiques et des mouvements transconfessionnels et non-confessionnels, ainsi que des processus de sécularisation, d’individuation et d’acculturation de diverses spiritualités, dont j’ai identifié certains aspects dans ma thèse. L’appel que lancent Khodr et Ayoub à la liberté religieuse et au dialogue entre les communautés « officielles » est sous-tendu par un essentialisme de la nation, de la croyance, de l’identité, de l’histoire, etc.
Or, tenir compte de cet essentialisme remettrait en question autant le penser et agir politique en termes exclusivement islamo-chrétiens, qu’une compréhension strictement islamo-chrétienne de la société libanaise. Du moins, en tenir compte permettrait la relance du débat sur les problématiques des statuts personnels et socio-politiques des libanais, problématiques que l’on n’aborde presque pas, avec pour prétexte la nécessité de sauvegarder la frêle paix civile ou parce qu’il va de soi que les libanais soient « croyants en Dieu » — ou sont appelés à le devenir — et mettent en jeu leur foi religieuse chrétienne ou musulmane tant dans leur quotidien qu’au sein des institutions publiques et gouvernementales. Il faudrait donc garder une distance critique par rapport au projet-alternative de « l’État islamo-chrétien » car il peut s’avérer uniformisant et simplificateur. A cet effet, il est plus que nécessaire de traiter de « l’impensé » et « l’impensable » qu’il produit ou comme l’affirme Malek Chebel : « Ce qu’il faudrait remettre en question assez profondément pour pouvoir se désengager du cercle vicieux des impossibles » (2004, p. 10).
En d’autres termes, il est nécessaire par exemple de redéfinir des concepts devenus inopérants tels qu’employés à ce jour, comme celui de l’identité libanaise réduite à ses dimensions religieuse — « chrétienne et musulmane » — et culturelle — « arabo-orientale ». Par ailleurs, une relecture de l’histoire contemporaine du Liban et particulièrement de la guerre me semble cruciale, permettant de ce fait la construction d’une culture de la mémoire plurielle et en devenir — et non homogénéisante et figée. Cette relecture devrait être accompagnée du développement et de la promotion d’une éthique de la citoyenneté qui crée des « lieux » d’interpénétration et non d’exclusion entre diversités — religieuses et non religieuses, individuelles et collectives, etc.. L’identité, la mémoire et l’engagement : voilà trois piliers d’une catharsis et d’une émulation entre les diverses composantes de la société libanaise.
Certes, l’on pourrait qualifier mes propos de relever de « l’impensable », dans la mesure où la guerre appartiendrait au passé et qu’il serait risqué de la déterrer vu la fragilité de la paix au Liban, et qu’il vaudrait donc se concentrer à se débarrasser de toute « tutelle » ou « occupation » étrangère. Or, sans amenuiser l’importance de la souveraineté et l’indépendance, il me semble que dénoncer la censure et la lecture dite politically correct, briser la loi du silence sur des problématiques internes de fond, et reconstruire la gestion des diversités, sont des chantiers indispensables et même prioritaires à entreprendre pour en finir avec la culture de la guerre et tout ce qu’elle entraîne avec elle : rejet, ghettoïsation, intolérance, ignorance, incohérence, injustice, violence et souffrance.
En conclusion, « le chemin de la reconstruction » s’est certes « avéré semé d’embûches » et on aurait raison à première vue de perdre espoir quant à l’avenir du Liban (El-Ezzi, 2003, p. 13-14). D’autant plus que le système confessionnel réduit par « mille moyens » les libertés individuelles et publiques (Khoury, 2004, p. 2) ; que l’économie libanaise est chancelante, que l’émigration est en croissance continue, et que les attentats à la voiture piégée depuis l’automne 2004 et surtout depuis février 2005 augurent le retour aux jours sombres des combats sanglants de la guerre. Toutefois, cela ne veut pas dire que tous les fondements du Liban sont ébranlés. Les récentes manifestations en faveur de « la vérité, la liberté et l’unité nationale » au sein de la place des martyrs au centre-ville de Beyrouth dévoilent l’occultation du fait que le Liban ne se réduit pas à un espace de guerre, mais qu’il est aussi formé d’inventions et de réinventions d’un vivre ensemble tant clamé par ses mystiques, philosophes, artistes et poètes, dont Khalil Gibran en est d’ailleurs l’ultime emblème ; celui-ci ne cessera de rêver la liberté du Liban, tout en s’inquiétant de son devenir. Impuissant « prophète » ? Seul l’avenir pourrait répondre à ce visionnaire et profond humaniste dont l’œuvre imprègne encore les cœurs et les esprits de tant de libanais.

La religion n'est-elle pas tout acte et toute réflexion,
Et ce qui est ni acte ni réflexion, mais un émerveillement et une surprise jaillissant sans trêve de l'âme, même quand les mains taillent la pierre ou tendent le métier à tisser ?
Qui peut disjoindre sa foi de ses actions, ou sa conviction de ses occupations ?
Qui peut répandre ses heures devant lui, disant : « Celles-ci pour Dieu et celles-là pour moi-même ; celles-ci pour mon âme et ces autres pour mon corps » ?
Toutes vos heures sont des ailes qui battent à travers l'espace qui sépare votre moi de votre moi.
Celui qui porte sa moralité comme ses plus beaux habits, serait mieux dénudé.
Le vent et le soleil ne marqueront pas de rides dans sa peau.
Et celui qui règle sa conduite selon la morale emprisonne l'oiseau chanteur de son être dans une cage.
Le chant le plus libre ne peut passer à travers les barreaux et les grilles.
Et celui pour qui le culte est une fenêtre, que l'on peut aussi bien ouvrir que fermer, n'a pas encore visité la maison de son âme dont les fenêtres sont ouvertes de l'aurore à l'aurore.
Votre vie de tous les jours est votre temple et votre religion.
Chaque fois que vous y pénétrez, emportez avec vous votre être tout entier.
Prenez la charrue et la forge et le maillet et le luth,
Les choses que vous avez façonnées pour votre besoin ou pour votre délice.
Car dans le rêve, vous ne pouvez vous élever au-delà de vos réussites ni sombrer plus bas que vos échecs.
Et prenez tous les hommes avec vous :
Car dans l'adoration vous ne pouvez voler plus haut que leurs espoirs ni vous abaisser plus bas que leur désespoir.
Et si vous voulez connaître Dieu, ne soyez donc pas celui qui résout les énigmes.
Regardez plutôt auprès de vous, et vous Le verrez jouant avec vos enfants,
Et regardez dans l'espace, vous Le verrez marchant dans les nuages, étendant Ses bras dans l'éclair et retombant en pluie.
Vous Le verrez sourire dans les fleurs, puis s'élevant et agitant Ses mains dans les arbres.
(Khalil Gibran, Le Prophète)


Bibliographie

Ayoub, Mahmoud. « Religious Freedom and the Law of Apostasy in Islam », Islamochristiana, no 20, 1994, p. 75-91.

--------, « Islam and Pluralism », Encounters, no 3, vol. 2, 1997, p. 103-118.

--------, Recherches sur les relations islamo-chrétiennes, vol. 2, Balamand, Centre des études islamo-chrétiennes, 2001 (en arabe).

Chebel, Malek, Manifeste pour un Islam des Lumières. 27 propositions pour réformer l’Islam. Paris, Hachette Littératures, 2004.

Corm Georges, Le Liban contemporain. Histoire et société. Paris, La Découverte, 2003.

--------, Le Proche-Orient éclaté, 1956-2003. Paris, Folio Histoire, 2003.

--------, Conflits et identités au Moyen-Orient, 1919-1991. Paris, Arcantère, 1992.

--------, « Laïcité et confessionnalisme au Liban », Confluences Méditerranée, no 4, 1992.

El-Ezzi, Ghassan, « La reconstruction du Liban… Un chantier semé d’embûches », Confluences Méditerranée, no 47, automne 2003, 10 p. Texte en ligne sur le site suivant : http://www.ifrance.com/Confluences/numeros/47.htm#embûches

Khodr, Georges, Pensées et opinions sur le dialogue islamo-chrétien et la coexistence, Jounieh, Paulistes, 2000 (en arabe).

--------, L’appel de l’Esprit. Eglise et société, Cerf, Paris, 2001.

Khoury, Émile, « Le pacte national résumé dans le préambule de la Constitution », L’Orient-le-Jour, Beyrouth, 17 juillet 2004, p. 2.

Maila, Joseph, « Le Document d’entente nationale, un commentaire », Les Cahiers de l’Orient, no 16-17, 4e trimestre 1989 — 1er trimestre 1990, p. 135-217.

Salam, Nawaf, L’accord de Taëf. Un réexamen critique, Beyrouth, Dar an-Nahar, 2003.


(1) La littérature abonde sur le sujet et rend compte d’une diversité de positions : René Chalmussy, Chronique d’une guerre : Liban 1975-1977, Paris, Desclée de Brouwer, 1978 ; Albert Bourgi et Pierre Weiss, Les complots libanais. Guerre ou paix au Proche-Orient, Paris, Berger-Levrault, 1978 ; Jean Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Paris, Presses Universitaires de France, 1993 ; Elisabeth Picard, Liban, Etat de discorde. Des fondations aux guerres fratricides, Paris, Flammarion, 1988 ; etc.. Georges Corm en présente une bibliographie pertinente dans Le Proche-Orient éclaté, 1956-2003, Paris, Folio Histoire, 2003, p. 1007-1014.
(2) J’analyse présentement cette question dans ma thèse doctorale en Sciences des religions à la Faculté de Théologie et des Sciences des Religions de l’Université de Montréal — « Pour une gestion des diversités renouvelée au Liban. Apports et limites de théologies des dialogues islamo-chrétiens » —, dont le dépôt est prévu pour juin 2005, subventionnée en partie par le Conseil des Recherches en Sciences Humaines (Bourse de recherche au doctorat : mai 2004-avril 2005) et le Fonds de la Recherche sur la Société et la Culture (Bourse de recherche au doctorat : mai-juin 2005).
(3) L’abolition du confessionnalisme n’est pas un projet récent. Consulter à cet effet l’article de Joseph Maïla, « Le Document d’entente nationale, un commentaire », Les Cahiers de l’Orient, no. 16-17, 4e trimestre 1989 - 1er trimestre 1990, p. 135-217. Il y présente une liste non exhaustive de propositions et de contre-propositions à l’abolition du confessionnalisme politique durant la guerre : programme intérimaire de réforme politique du Mouvement National (août 1975), document constitutionnel du Président Frangié (février 1976), propositions du Front Libanais (janvier 1977), quatorze points du Président Sarkis (mars 1980), document du Haut comité druze (mai 1983), projet du mouvement Amal (novembre 1983), conclusions de la réunion de Lausanne (mars 1984), accord intermilicien « de Damas » (décembre 1985), projet du Président Gemayel (mars 1987), projet de réforme de Rafic Hariri (novembre 1987), sans oublier les propositions étrangères — américaines et syriennes en l’occurrence.
(4) Selon Corm, « comme pour les accords de Camp David, monstre juridique et traité inégal, aucun juriste d’Occident ne dénoncera les clauses aberrantes des accords de Taëf et l’abaissement du Liban placé sous protectorat syrien » (2003, p. 141). La consécration de la notion de « relations privilégiées » entre le Liban et la Syrie se fit sous la bonne auspice américano-saoudien (à laquelle s’opposèrent l’OLP, le Vatican et l’Irak). Et pourtant, quelques mois plus tard, ceux-ci se montrèrent avec la communauté internationale soucieux du droit et de la moralité à propos de l’invasion du Koweït par l’Irak. Sans compter la récente adoption de la résolution 1559 par l’ONU sous l’égide des États-Unis et de la France stipulant le retrait des troupes syriennes.

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