Monday, August 08, 2011

Rencontrer l'Islam: un itinéraire culturel et spirituel!


A la demande de lecteurs et lectrices, je publie ci-dessous l'introduction de mon livre 'A la rencontre de l'Islam', publié par Médiaspaul (Montréal, QC, Canada) en 2006. Ramadan Karim!

Introduction
J’ai été une seule fois réduit au silence,
disait le poète libanais Khalil Gibran.
Ce fut quand un homme m’a demandé: qui êtes-vous?[1]
J’ai ressenti ce même silence intérieur lorsqu’il me fut proposé de contribuer à la collection Spiritualités en dialogue, puisque tout ce qui a rapport à l’identité personnelle est difficile à saisir et à communiquer, émanant d’un vécu intime. Il ne s’agissait pas d’un vide, loin de là, mais d’un recueillement recouvrant les fins bruits de mon passé qui habitent mes pensées et le tumulte de mon présent; un silence scandé par le rythme d’une respiration alternant de paroles sans images à des images sans paroles se conjuguant en une symphonie qui ne demandait qu’à être jouée. Je croyais à priori que rendre compte de mon cheminement spirituel, ne serait-ce qu’en partie, était une tâche facile à entreprendre et à mener à terme, un passe-temps qui me divertirait de ma thèse doctorale, une écriture complémentaire. J’imaginais que l’encre allait couler à flot et que la rédaction serait fluide et ininterrompue. Or, plus le temps passait, plus les questions se bousculaient, ébranlant mes certitudes.
Je m’étais peu arrêtée au fil des années pour réfléchir de manière approfondie sur ce qui a du sens pour moi, sur la manière dont je le construis au gré des changements de contextes, de situations, d’expériences personnelles, de convictions, de croyances, de rencontres avec une diversité d’univers spirituels et culturels; bref, au gré de la formation et des transformations de mon identité. L’exercice était donc délicat, surtout qu’il s’agissait de sonder les recoins d’un parcours personnel en mouvement continu, comprenant entre autres dimensions, une indicibilité, un mystère. Cette entreprise s’avérait même être corsée, périlleuse, pavée de retours, de détours, d’entrées et de sorties, d’autant plus que je me lançais dans une réflexion tissée autour du titre de l’ouvrage spontanément formulé: À la rencontre de l’islam.
Je ne suis évidemment pas une experte de l’islam. Je ne prétends pas en faire l’objet d’une démarche investigatrice, dans le but d’en dévoiler la vérité intrinsèque, l’essence originelle, les fondements et les doctrines, ni constituer à son sujet une base de données, un répertoire faisant étalage d’informations et de connaissances dites objectives sur la foi, la Chari’a — que l’on définit habituellement par la loi islamique —, le statut des femmes, la question de la relation islam-laïcité... Mon objectif n’est pas d’éclairer les modèles et les modalités linguistiques, théologiques, sociologiques, politiques, anthropologiques et psychologiques de ce qu’on appelle communément le «monde musulman», ni de constituer une sorte d’inventaire systématique de pratiques et de croyances, avec la prétention de décrire «la réalité islamique», une prétention qui, à mon avis, est prisonnière d’un lourd appareil de stéréotypes et de clichés. Je ne cherche pas à construire ce que Jocelyne Dakhlia nomme dans son ouvrage Le divan des rois, le politique et le religieux dans l’islam, «un poncif historiographique», relevant d’une vision essentialiste et générique de la religion musulmane; je ne cherche pas non plus à développer une approche exclusivement locale et morcelée des sociétés «islamiques» qui pourrait occulter certaines représentations et expressions communes.
En fait, je tente de représenter des moments significatifs, particuliers et ponctuels de mon cheminement spirituel, résultant d’un processus relationnel avec des expressions de l’islam, à la recherche de l’harmonie, de l’équilibre et d’une certaine cohérence. Cette quête se manifeste d’une part à travers la relecture de témoignages littéraires et la réécriture artistique, et d’autre part grâce aux contacts interpersonnels établis au sein de groupes de dialogue islamo-chrétiens et interreligieux et aux amitiés développées au fil des années. Ma représentation reflète donc une réflexion accompagnée de pratiques méditatives, de la contemplation et de la création visuelle inspirée par la spiritualité, et certainement, d’un partage d’expériences de vie, en une dynamique complexe de fécondation mutuelle.
Il est évident que je me lance en ce sens dans une aventure, avec ses joies et ses peines, ses épreuves et ses grâces. Je dirais même qu’il s’agit de plus qu’une aventure; c’est un pèlerinage, un itinéraire que je pourrais qualifier à la suite du métropolite grec-orthodoxe du Mont-Liban, Georges Khodr, d’une succession de «morts-résurrections», d’ascensions vers les cieux et de descentes aux abîmes, d’une marche ininterrompue en quête de sens, de paix et d’ouverture à l’altérité, empreinte de richesses exaltantes et d’embûches, et dont les étapes sont interreliées et en devenir. Le temps de mon voyage à la recherche des liens inextricables du passé au présent et de leur projection vers l’avenir avait commencé et plus rien ne pouvait l’arrêter.
Je me suis ainsi engagée dans un voyage exigeant, où le doute, les questionnements, la soif, la quête et le désir s’entremêlent, sans carte routière définie à l’avance et avec pour seuls bagages ma mémoire et mon patrimoine que je revisitais, les points de rencontre sur ma route, les tempêtes et les lieux-refuges. Je ne savais pas vers quoi je me dirigeais, mais j’avais un objectif: faire émerger la dimension «islamique» de mon identité spirituelle composite et essayer de la communiquer, de la transmettre et de la partager. Toutefois, cette dimension se révéla complexe, reliée à d’autres en un agencement non étanche et échappant aux simplifications abusives; je n’en livre donc que des parcelles, en sachant bien que la réponse à la question qui suis-je? est encore aujourd’hui en construction.
Cela ne veut pas dire que je n’ai rien trouvé, mais l’imprévu m’accompagnait constamment aux carrefours et je le rencontrais dans chaque recoin où je déposais mes bagages. J’ai certes découvert quelques lumières, mais aussi de l’obscurité et des zones grises, une libération d’un enfermement lourd de préjugés, des convictions et des remises en question, l’intensité de la réconciliation et de la communion, l’harmonie, la joie, et également, la peine, les obstacles et le chaos. J’ai laissé des parties de moi-même sur la route; toutefois, j’en ai forgées d’autres et j’ai même retrouvé des coins perdus dans ma mémoire, longtemps ignorés, mais désormais interpellés, se dressant comme remparts contre l’oubli.
En effet, tant mes souvenirs de la guerre au Liban que mon expérience de l’immigration à Montréal faisaient jusqu’à récemment l’objet d’un déni, d’un refoulement. C’était comme si j’opérais au quotidien une entreprise d’effacement de pénibles souvenirs, afin d’échapper à la souffrance et à l’angoisse d’un lendemain incertain. Mais suite à plusieurs événements que j’ai vécus, il me sembla crucial de convoquer progressivement cette expérience, en accédant à des repères et à des liens renouvelés de mon histoire personnelle. Et c’est à travers ce processus de relecture et de réécriture, accompagnant le renouvellement de mon identité, que bien des aspects de ma relation à l’islam s’éclaircissaient.
Ce sont ces aspects que je dévoile tout le long de l’ouvrage, en suivant un mouvement ouvert, aux confins variables, indéfinis et s’étendant au-delà des frontières de recettes préétablies. Mon écriture devient ainsi une création dont le rythme change au gré des regards que je pose sur moi-même et sur les autres, un appel au dépassement des dualités strictes, une reconstruction invitant aux relations pacifiques entre les différences et aux échanges fructueux.  Dans cette perspective, les thèses sur le choc des civilisations, des cultures et des religions prêtent à équivoque et sont même remises en question. Ainsi, l’antagonisme des références symboliques que mobilisent les êtres humains pour fonder la légitimité de leurs valeurs, brandies les unes contre les autres en un combat dévastateur, cède la place à une logique de l’interpénétration. Les différences ne sont évidemment pas résorbées, mais elles constituent des richesses au service de l’humanité, et non des systèmes clos qui sépareraient des collectivités au point d’en faire des ennemies potentielles.
L’écriture de cet ouvrage se situe donc dans la lignée d’une remise en question de frontières imaginaires, de raccourcis de la rhétorique simplificatrice et grossière, ainsi que de main-streams de certaines politologies et de regards médiatiques qui abusent de concepts et de notions exclusivistes, et dont les promoteurs sont des faiseurs de guerre et des individus friands de l’essence supposée immuable des nations, des peuples et des religions. Mon écriture pourrait donc apparaître à certains comme chargée de passion, d’émotions, ou tout au moins de sentimentalisme; toutefois, mon objectif principal est de proposer des voies d’ouverture au dialogue entre diverses spiritualités, tout en mêlant réflexion et expérience, pensé et vécu, un va-et-vient entre l’immersion dans le monde, la compréhension de certaines de ses facettes et la recherche de soi.
Sans vouloir nier les débordements extrémistes de groupuscules se réclamant de diverses interprétations, leur instrumentalisation par les régisseurs des ordres nationaux et internationaux pour légitimer leur propre violence me semble inacceptable. En ce sens, la dénonciation de blocages, de dérives et de leurs archétypes, est primordiale à mes yeux et adopte une multiplicité de formes, parmi lesquelles le témoignage de rencontres émulatives qui sont des voies de création, de transformation, de liberté et de construction. Tels sont les axes qui font tenir mon discours qui n’est pas une compilation de pensées désordonnées et disparates, mais qui allie la complexité des référents identitaires en général et spirituels en particulier à l’unicité de mon  parcours, dans un va-et-vient entre analyse et récit, pistes théoriques et histoires de vies. J’ai donc cherché à aborder plusieurs thèmes en une architecture narrative multiforme, afin de rompre avec la monotonie d’un discours à thème unique. De la relation des premiers contacts au dialogue libre et dynamique en passant par les inspirations artistiques et les rencontres relationnelles, la réflexion se poursuit, accueillante, et cherche à rendre plus proches les idées évoquées et les faits relatés.


[1] Khalil GIBRAN, Sand and Foam, London, Heinemann, 1927, cité par Suheil BUSHRUI, Un trésor spirituel, Kahlil Gibran, Paris, Véga, 2002, p. 54.

LIENS - 'A LA RENCONTRE DE L'ISLAM':

4 comments:

Anonymous said...

D'ou puis-je me procurer votre ouvrage?

Dr. Pamela Chrabieh said...

De chez Mediaspaul directement! La commande se fait en ligne. Merci!

Belebnen Team said...

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Belebnen Team

Dr. Pamela Chrabieh said...

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