Saturday, May 25, 2013

A never ending fight for Peace in the Middle East?

When I came back from Montreal (Quebec, Canada) to Lebanon in 2006-2007, all my friends called me ‘crazy’: ‘How can you leave a stable and secure environment for a volcano?’ I had my personal and family reasons, and I was convinced of the inevitable change yet to occur in the Middle East. I wanted to be part of it, to contribute in its happening, even with my punctual individual initiatives…
Seven years…What we are witnessing is worse than the past decades of physical war in Lebanon. It is the progressive regression of an entire nation at all levels – political, economic-social, environmental, educational, etc.  I must admit that seven years ago, I used to find the logic of alarmist explanations rather elusive, but on reflection, I began to see how it is turning and how it might turn. Still, there are many Lebanese who just cannot see that they are already part of the volcano. Starting with most university students, the core of the young generation, supposed to be questioning their ‘leaders’, the warlords, demanding drastic changes, working to deconstruct simplistic and extremist mentalities, founding new political parties, building peace …
The gap between self-image and the perceptions of others has always been wide, between the fanatics and the moderate, the ghetto-minded and the pluralistic-minded people, the nation freedom fighters and those who fight for regional and international forces, the human rights activists and the ‘no rights’ warriors. Still, it is on the verge of becoming an unbridgeable gulf!
Since 2006-2007, changes did occur, but rarely for the better, in Lebanon and the Middle East in general. The ‘Arab Spring’ is synonymous with ‘Arab agony’… There are individuals who still struggle to free their societies from the enormous burden of the past. Unfortunately, they are not many, and their impact is rather weak facing those who use a twisted version of the past to create a vision of the future, those who desire to recover past glories and redeem past humiliation – a desire that so far has largely ended in failed hopes. The great question is whether Lebanese and Middle Easterners can break loose from their deeply ingrained but unresolved frustrations and anxieties about the past and find some new foundations on which to build their aspirations for the future.
Another great question addresses debates within Islam itself. The ways most Islamic activists are interpreting Islam do little justice to the rich intellectual, social and political heritage of that religion. I find it hard nowadays to teach about Theology of Religions and Muslim-Christian Dialogue in a Lebanese academic environment, for most students describe Islam as a ‘violent’ religion… How can they see otherwise when the only images they are mainly exposed to through traditional media – and even online channels – are those of jihadists, misogynist fatwas, cannibalism, blood thirsty combatants killing civilians in the name of Allah?
As a Sciences of Religions’ professor and researcher, I firmly believe that all religions, including Islam, represent complex and highly flexible traditions capable of generating a great diversity of approaches to contemporary life. There are Muslims that already allow themselves the liberty to explore that tradition in all its dimensions, but their voices remain unheard in chaotic war-torn countries where the stubborn authoritarianism of political life seems to choke off any fresh thinking about the region’s problems.
A friend of mine told me a while ago that in order for the Middle East to live in Peace, it must die first… It must suffer… Sadistic dialectic, true in a way, but I find it difficult to think that this death might be soon overcome. I find it difficult to think that these conflicts and tensions might resolve in favor of an evolution toward a pluralistic peaceful environment. Am I being pessimistic? No… Realistic! One of the most difficult issues in the struggle for ending violence and building peace is a matter neither of institutions nor ideology. It is a frame of mind, and the region’s modern history has certainly done nothing to encourage its change!
My hopes may be frustrated and blocked, but they are not extinguished. I am continuing my fight for peace, dialogue and human rights. The struggle, however defined, seems indeed endless but not pointless. Memory, after all, can frustrate hope as well as propel it.

Thursday, May 09, 2013

Organisons des débats publics!


Dr. Pamela ChrabiehLiban…
Décennies de guerres et de conflits…
Destructions, massacres, génocides, crises, traumatismes individuels et collectifs…
Qui sont les victimes?
Qui sont les bourreaux?
Qui sont les responsables de la construction de la paix?
TOUS et TOUTES ! Quelles que soient nos appartenances, nos origines, et quels que soient nos penchants et nos dieux!
La responsabilisation partagée répond en quelque sorte au problème du silence sur la part des responsabilités de tous les acteurs de la guerre; un silence qui devient de plus en plus pesant, mais qui est souvent banalisé. En outre, elle remet en question le phénomène de la réconciliation fondée sur le fait accompli et la dynamique de l’oubli après les accords de Taëf (1989) qui a enfermé beaucoup de libanais dans des mémoires cloisonnées les unes des autres. Par ailleurs, elle implique « le partage des connaissances » ou la construction du savoir ainsi que des droits et des responsabilités citoyennes, et même d’une fécondation réciproque dépassant une simple coexistence. Ce partage-interpénétration-fécondation concerne les instances religieuses, les élites, les pouvoirs publics et les divers autres acteurs de la société civile et de la diaspora libanaises.
Point de départ? Organisons des débats publics, dont l’objectif serait de travailler à une déconstruction-reconstruction de certaines pensées et pratiques, en admettant le travail de la négation comme moyen de résistance et source de régénérescence. En d’autres termes, il est nécessaire de remettre en cause le monopole des élites et des experts sur la production des connaissances, sur leur diffusion et leur application, tout en faisant bénéficier chaque lutte de la force et de la spécificité des uns et des autres. Cet apport est d’autant plus important que l’activisme d’aujourd’hui, peut-être par manque de méthode, est souvent mal avisé; les mouvements actuels sont parfois restreints, et ils manquent d’envergure et d’attrait pour gagner une large base d’appui.  Les projets traduisent rarement une compréhension plus large des causes systémiques à nos problèmes et ne proposent pratiquement jamais d’alternatives institutionnelles viables au statu quo de manière à entretenir l’espoir et la motivation. Vues de l’extérieur (et souvent même de l’intérieur), la plupart des actions ressemblent au statu quo, ou semblent même pires que lui. Il s’ensuit qu’elles restent souvent impuissantes à déloger le profond cynisme de Monsieur et Madame Tout-le-monde.
L’expression « débat public » est certes devenue le mot d’ordre des mouvements sociaux et des pouvoirs publics. Selon certains, elle se galvaude et désigne une pluralité de dispositifs qui n’ont pas tous la même finalité. Personnellement, j’adopte cette définition: toute procédure de mise en discussion publique des choix collectifs - forums hybrides ou pluriels, états généraux, consultations nationales, conférences regroupant des individus et des collectivités, concertations, co-constructions de décisions avec participations en amont (qui ne s’opposeraient pas à la représentation mais qui la complèteraient), diffusion de l’information, etc. En Sciences politiques, on parle de démocratie participative, qui vise à encourager la participation directe des citoyens dans l’élaboration de décisions ou de politiques publiques; celle-ci est complémentaire à la démocratie représentative, qui, elle, confère de surcroît une légitimité aux représentants par le jeu du processus électoral.
Le débat public au Liban aurait besoin d’un renforcement, d’une valorisation de la part de la société civile, du gouvernement, des instances religieuses et des élites, ainsi qu’un élargissement de sa portée. Il serait inexact de l’interpréter comme l’expression d’une défense égoïste d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. Il contribue plutôt à la « restauration du politique », à ce que la politique devienne le domaine de l’innovation libre, à ce que le renouvellement de la régulation des rapports politique-société-religion ne soit pas perçu comme dangereux puisqu’il est animé d’un désir éthique - esprit de partage, de fécondation, et non d’exclusion -, ni impossible à entreprendre, puisqu’il recherche des valeurs minimales comme la liberté de pensée, d’opinion et de croyance, et donc, plus que le pluralisme, le droit à l’incroyance, ainsi que les valeurs de la vie, comme la santé, la justice et  la joie d’être soi-même en lien avec les autres.
Actuellement et à première vue, on aurait raison de perdre espoir quant à l’avenir du Liban, surtout que nous sommes pris par l’étau de la guerre, que les beaux principes énoncés dans la Constitution libanaise - république démocratique parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques (de croyance et d’opinion en premier lieu), la justice sociale, l’égalité des droits comme des obligations entre tous les citoyens sans discrimination - sont loin d’être appliqués et semblent même utopiques à l’ombre d’un système partagé, confessionnel, qui réduit par mille moyens, par d’innombrables pressions, la liberté individuelle ou les libertés publique. Ajoutons à cela une situation où l’amnésie favorise plus l’amnistie et la déresponsabilisation des dirigeants que la réconciliation, une économie chancelante, ainsi que l’élargissement du fossé entre les classes sociales et entre le « Centre » et le « Liban périphérique ».
Le chemin des réformes et de la reconstruction reste certes parsemé d’obstacles en tous genres, mais comme l’affirme Pierre Messmer: « Les libanais n’ont jamais cessé de résister pour conserver leur liberté et leur identité. Ils ont subi de nombreuses invasions, ils ont affronté les pires épreuves, ils ont maintes fois été menacés de disparaître mais ils n’ont jamais désespéré de leur pays (…). A l’instar des québécois par exemple, les libanais démontrent qu’un peuple qui ne se résigne pas ne peut pas mourir ».
Toutefois, pour que ce pays advienne, il ne suffit pas de vivre un « printemps de Beyrouth », ni que l’on milite pour des élections législatives permettant une représentation équitable des confessions ‘officielles’; ni que l’on s’unisse entre chrétiens et musulmans. Il est aussi important de revoir en profondeur les structures socio-politiques en vigueur et les discours et pratiques qui les renforcent d’une manière ou d’une autre. À défaut, le pays aura pris, encore une fois, un nouveau faux départ.
Organisons des débats publics et osons poser et répondre aux questions suivantes :
Comment réconcilier le pays avec lui-même et dans quelle relation avec son environnement régional et international?
Comment les institutions de la deuxième République vont-elles concilier les exigences de l’ordre public et celle des libertés?
Comment construire au Liban un espace commun, une intelligibilité commune, qui se nourrit de plusieurs Libans, de Libans inachevés, sans nier leurs spécificités et sans les ériger en singularités absolues?
Et face à cette incertitude et à cet inachèvement, où se dirige le Liban?
Pour ma part, en tant que libanaise ayant survécu à la guerre, mais ayant aussi connu des ‘lieux’ de dialogues et de convivialité, je porte en moi un refus de la fatalité et l’espérance d’un monde meilleur qui ne peut se construire tout seul et sûrement pas sans un réel travail de mémoire, et donc de deuil et de réconciliation. C’est la flamme qui m’anime, et c’est le défi que je tente de relever: penser  l’altérité, mais surtout, construire des lieux qui reconnaissent l’identité non comme une page blanche, ni comme déjà écrite, mais comme partiellement écrite et appelant à la poursuite de l’écriture; une identité comme une somme de diverses appartenances en cheminement, au carrefour de multiples chemins, de plusieurs aventures, médiatrice, non confondue avec une appartenance érigée en appartenance suprême et unique, en une fin en soi et « en un instrument d’exclusion », parfois en « un instrument de guerre ».
« Nous sera-t-il possible d’émerger un jour… et d’épargner à nos enfants notre exception culturelle et notre danse éternelle avec le danger ? Ce n’est donc pas un hasard si les légendes phéniciennes, celle du Phénix et celle d’Adonis, celle de l’oiseau de feu qui renaît de ses cendres et celle de l’éphèbe tué par un sanglier et dont le sang a fleuri les printemps à venir, sont issues de cette terre. Chez nous, la mort naturelle est une bénédiction. Le reste du temps, on meurt à l’arraché, parce que d’autres vous effacent, parce que votre vie dérange. Voilà pourquoi les principes de Paradis, de Résurrection et de Réincarnation ne sont pas pour nous de vains mots. Dans un pays où la chronique des faits divers, qui parle de chiens écrasés, signale quotidiennement des cadavres non identifiés retrouvés çà et là, il était temps que l’on cesse de traiter la mort comme un événement banal.
« (…) Voilà pourquoi, au regard de l’histoire, il nous est vital que plus personne au Liban ne meure pour rien. Demain, quand les premières cloches sonneront la joie de la Résurrection, nous célébrerons Pâques pour la mille neuf cent soixante douzième fois. Près de deux millénaires que les croyants se transmettent, de génération en génération, la vie de Dieu sur terre et transforment le siècle en éternité. Faut-il que tous les justes meurent au seuil des terres promises ? Faut-il qu’ils meurent pour que l’histoire bascule et que les peuples frustrés se révoltent et luttent enfin pour leur dignité ? La mer est bleue, la ville est blanche et les chantiers continuent, mais rien n’est plus pareil.
« La résurrection est en marche, il lui faut des Pâques, un passage, et passeurs nous sommes, et le reste est un long printemps ». (Abou-Dib, F., L’Orient-le-Jour, 2005-03-28)