Saturday, December 20, 2014

Entre être et avoir, quel message pour Noël ?

DR PAMELA CHRABIEH

PUBLIE DANS L'ORIENT-LE-JOUR, 20 Décembre 2014
Noël « s'en vient » – j'utilise ici une expression acquise il y a quelques années au Québec. Entre Dubaï et Beyrouth, rabais, offres et foires abondent. La course vers l'idéal de l'avoir se fait ressentir avec une intensité hors pair. Du téléphone portable dernier cri à la Maserati GranCabrio, il semble loin le temps où les enfants recevaient comme cadeaux des fruits et quelques jouets artisanaux, où les messages fondamentaux de la fête religieuse étaient la charité, l'espoir, la paix et l'humanisme.

Noël, pour beaucoup, est synonyme actuellement d'une aubaine pour les commerçants, lesquels réalisent une grande partie de leurs bénéfices de l'année sur cette période. Le mois de décembre est synonyme de mois qui vend, donc qui engendre un maximum de profits, d'abondance de corps objets-capitaux soumis à un impératif de faire-valoir, ainsi que de produits devenus les « nouveaux besoins pour tous ».

À Beyrouth, il n'est en effet plus question de viande avariée, de coupures d'électricité, d'embouteillages monstres, d'infrastructures endommagées, de soldats kidnappés, de Daech et Cie, de corruption étatique, de crise environnementale et économique, de chômage, d'émigration et d'inégalités. En d'autres termes, il n'est plus question de besoins primaires, de l'estime, de la réalisation et de la convivialité. Ce qui compte est la nécessité de masquer le manque-à-être individuel et collectif, les privations, castrations et désirs insatisfaits, en se procurant des produits dont le caractère dit indispensable est fortement discutable.

Consommer des biens n'a rien de mal, ne rend pas idiot ni mauvais. Toutefois, l'aspect critiquable de la consommation est sa capacité à voiler le véritable malaise dont souffrent tant d'individus et de communautés, et à s'octroyer l'ensemble des ressources qui peuvent donner accès à un véritable épanouissement, un bonheur durable.

La logique de l'avoir n'a pas à être supplantée par celle de l'être, comme le préconisent les gourous de la contre-culture à la société de consommation. Mais un équilibre entre l'être et l'avoir est à rechercher. En ce sens, l'humain serait capable de ne pas se vider de son humanité, de gérer les traumatismes et frustrations, de surmonter les souffrances inévitables de la vie, de se respecter et respecter le monde qui l'entoure, de devenir libre, d'incarner les principes prêchés, d'aimer, mais aussi de se préparer à mourir les yeux ouverts.

Dr Pamela Chrabieh
American University in Dubaï

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